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Marcel PROUST


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Andr�� Durand pr��sente 

Marcel PROUST 

(France) 

(1871-1922) 
 
 

Au fil de sa biographie s’inscrivent ses œuvres

qui sont r��sum��es et comment��es

(surtout ‘’À la recherche du temps perdu’’

qui est ��tudi�� dans des dossiers â part). 
 

Bonne lecture ! 
 
 

Il est n�� �� Paris, le 10 juillet 1871, dans le seizi��me arrondissement, 96, rue La Fontaine (chez son grand-oncle maternel, Louis Weil). Son p��re, Adrien Proust, qui ��tait originaire d'Illiers, localit�� �� quelques kilom��tres de Chartres (Eure-et-Loire), o�� son p��re ��tait ��picier, apr��s avoir commenc�� ses ��tudes au s��minaire, renonça �� sa vocation religieuse pour se diriger vers la m��decine, o�� il se distingua. Promis �� une brillante carri��re, il ��pousa en 1870 Jeanne Weil, qui, fille de l’agent de change Nath�� Weil, appartenait �� une richissime famille juive venue d'Alsace et d'Allemagne, et qui fit, en ��pousant un gentil, une des premi��res tentatives d'assimilation des juifs en France pour contrer les courants antis��mites.

Alors qu’elle ��tait enceinte, la Commune faisait rage. Un soir de mai 1871, son mari rentrait de l’hôpital de la Charit�� quand une balle tir��e par un insurg�� l'atteignit �� la jambe. En apprenant cet ��v��nement, elle fut saisie d'une telle frayeur qu'elle mit au monde un enfant si d��bile que son p��re craignit qu’il ne fût point viable. C’��tait Marcel, et il allait en porter les stigmates toute sa vie.

En 1873, naquit son fr��re, Robert, ce qui fut pour Marcel l’origine d’un traumatisme profond, qui ne l’emp��cha pas toutefois d’avoir pour lui une affection sinc��re.

Le p��re, devenu un grand m��decin, professeur d'hygi��ne �� la Facult�� de Paris, fut l’auteur, entre autres ouvrages, de ‘’La d��fense de l'Europe contre la peste et la conf��rence de Venise en 1897’’ (1897), ouvrage que consulta Camus pour ��crire ‘’La peste’’.

Ses parents, qui habitaient 9, boulevard Malesherbes, appartenaient �� la grande bourgeoisie parisienne. Chez ce couple qui n’��tait pas uni par la passion mais par des sentiments d’attachement et de compl��mentarit��, la diff��rence de religion ��tait att��nu��e par leur commun ath��isme. Si Marcel Proust et son fr��re furent ��lev��s dans la religion catholique, jamais leur m��re ne se convertit. Cette juive au beau visage oriental, qui n’��tait pas une rebelle, mais pas non plus une prude, fut une femme fid��le �� ses engagements et n��anmoins tromp��e par un ��poux dur et absent. Humble et d��vou��e, elle ne s'accomplit qu'�� travers les autres, alors que ses dons sup��rieurs, sa grande culture, sa connaissance de plusieurs langues auraient pu, �� une autre ��poque, lui permettre tous les accomplissements personnels. Elle fut une m��re intuitive, tendre et d��vorante, qui entoura de sollicitude surtout ce fils aîn�� en qui apparaissait une sensibilit�� aiguë, presque maladive. Tous les lecteurs de Proust la connaissent presque intimement comme la dispensatrice du baiser du soir, mais aussi comme une pr��sence absolue et fusionnelle, une v��ritable passion amoureuse ayant exist�� entre eux. Elle le fit acc��der �� un univers culturel d’une immense richesse, l’initia �� la musique, �� l’architecture, �� la peinture et surtout �� la litt��rature, mondes auxquels le p��re ��tait ��tranger. À la question «Quel serait votre plus grand malheur?», dans un questionnaire appel�� �� porter son nom, le jeune Marcel avait r��pondu : «Être s��par�� de maman». Elle garda dans ses langes cet enfant m��me quand il devint un homme. L’amour qui les unissait fut une relation qui allait au-del�� de la limite commun��ment admise sans toutefois ��tre condamnable, et Adrien Proust put ��tre agac�� par leurs d��monstrations d’affection en public. Sans doute ne fut-elle pas ��trang��re �� l'homosexualit�� de son fils, qui ne put aimer une femme qu'en elle. Comme elle l’aimait profond��ment, bien qu’elle ait, comme toutes les m��res �� cette ��poque, esp��r�� un mariage pour lui, elle accepta son homosexualit��, comme, bien qu’elle et son mari appartenaient �� des milieux o�� le travail est fortement valoris��, elle accepta sa difficult�� �� trouver une profession. Elle l’y poussa d’abord, puis comprit que sa vocation d’��crivain ��tait in��branlable. À ce moment-l��, elle essaya, de toutes ses forces, de lui faire acqu��rir rigueur et discipline de travail. Elle fut son ��g��rie, et, sans elle, il n’y aurait point eu d“‘’À la recherche du temps perdu’’ dont elle est un personnage insaisissable.

Elle entoura d’autant plus son fils de soins particuli��rement affectueux qu’il ��tait un enfant ch��tif, r��guli��rement malade, d'une « sensibilit�� maladive et trop fine qui le faisait d��border d'amour �� la moindre gentillesse » (‘’Jean Santeuil’’). Tr��s pr��cocement, il manifesta une pr��disposition pour l'asthme, le printemps ��tant pour lui la plus triste des saisons : les pollens lib��r��s par les fleurs dans les premiers beaux jours provoquaient chez lui de terribles crises. À neuf ans, alors qu'il rentrait d'une promenade au Bois de Boulogne avec ses parents, il s’��touffa, ne pouvait reprendre sa respiration. Son p��re pensa le voir succomber �� la violence de ses suffocations ! Un ultime sursaut le sauva. Mais allait planer sur l'enfant, sur l'homme plus tard, cette menace : la mort pouvait le saisir d��s le retour du printemps, �� la fin d'une promenade, n'importe quand, et cette crainte du rhume des foins ne fit que s'aggraver, l'obligeant, durant les derni��res ann��es de sa vie, �� ne plus quitter la chambre.

Il mena la vie paisible d'un enfant de la bourgeoisie. À Paris, Marcel et Robert allaient jouer aux Champs-Élys��es o�� il rencontra les petites Lucie et Antoinette F��lix-Faure ou la Russe Marie de Benardaky qui devait lui inspirer les personnages de Marie Kossicheff (dans ‘’Jean Santeuil’’) et de Gilberte Swann (dans ’’À la recherche du temps perdu’’). On allait rendre visite au grand-oncle (chez lequel, dans ‘’Du côt�� de chez Swann’’, se situe la premi��re apparition de la « dame en rose», Odette de Cr��cy), comme �� la grand-m��re maternelle (dont il retraça la figure avec une tendre ferveur). Les vacances d'��t��, la famille les passait �� Illiers, bourgade qui devint Combray dans son œuvre o�� elle est partag��e entre le « côt�� de M��s��glise » et le « côt�� de Guermantes». Y habitaient et en incarnaient les us et coutumes sa grand-tante Amiot et sa fid��le servante, qui allait plus tard ��tre au service de Marcel et de ses parents. Il flâna dans la campagne et au bord du Loir (la Vivonne dans l’œuvre).

Donnant aussi les signes d’une grande intelligence, il fut un grand lecteur : de La Bruy��re et de George Sand, que sa grand-m��re lui fit lire d��s son jeune âge, des ‘’Mille et une nuits’’, de Dumas, de Balzac, de Chateaubriand (surtout les ‘’M��moires d’outre-tombe’’ auxquels il eut toujours conscience de beaucoup devoir : ��vocation saisissante d'une soci��t��, pr��monition de la sensation-souvenir, source in��puisable de r��flexions), de Nerval, de Gautier, de Musset, de Vigny.

En 1882, il entra en cinqui��me au lyc��e Condorcet, qu’il fr��quenta de façon irr��guli��re, ��tant « toujours absent » du fait de ses crises d'asthme (qui l’oblig��rent �� redoubler la classe de seconde), mais o�� il fit de bonnes ��tudes. En classe de rh��torique (1887-1888), o�� il obtint le premier prix de composition française, il fut l’��l��ve de M. Gaucher qui pressentit son talent ; en classe de philosophie (1888-1889), o�� il obtint  le prix d’honneur de dissertation, il fut l’��l��ve favori de M. Darlu, qui exerça sur lui une grande influence par sa d��fense de l’individualisme, qui lui fit connaître Schopenhauer et qu’il allait ��voquer dans ‘’Les plaisirs et les jours’’. Il noua au lyc��e des amiti��s fid��les avec des camarades qui ��taient f��rus de litt��rature : L��on Brunschvig, Louis de La Salle, Abel Desjardins, Jean de Tinan, Jacques Bizet, Daniel Hal��vy, Fernand Gregh, Robert de Flers, Robert Dreyfus, Gaston de Caillavet ; ils commentaient passionn��ment les auteurs contemporains, France, Barr��s, Dierx, Maeterlinck, admiraient aussi Leconte de Lisle et ses traductions po��tiques (dont les hell��nismes un peu voyants allaient encombrer les propos de Bloch dans ‘’À la recherche du temps perdu’’) ; ils cr����rent une revue litt��raire, la ‘’Revue lilas’’ (teinte qui d��signait assez son inspiration symboliste), o�� Proust, qui ��tait secr��taire de r��daction, �� l’âge de quatorze ans, publia ses premiers articles qui portaient sur la peinture car il ��tait un visiteur assidu du Louvre, et s'imaginait bien alors directeur de mus��e. Ce sont toutefois peut-��tre ses lettres conserv��es par ses amis qui nous r��v��lent le mieux les dons qu’il avait adolescent.

Les ��l��ves du lyc��e Condorcet se voulant mondains et modernes tandis que les lyc��ens de la Rive Gauche se consacraient aux disciplines plus aust��res et plus exigeantes, il fit son entr��e dans le « monde », ayant son premier dîner en ville chez la princesse Mathilde, fille de J��rôme Bonaparte car, lui ayant ��t�� pr��sent��, il avait fait la conqu��te de la vieille dame. Il se plut alors, pour meubler son oisivet��, �� fr��quenter les salons, ceux de la princesse, de Mme Straus et de Mme de Caillavet o�� il rencontrait Anatole France et Charles Maurras.

En 1888, il ��crivit �� Daniel Halevy : «Mes croyances morales me permettent de croire que les plaisirs des sens sont tr��s bons. Elles me recommandent aussi de respecter certains sentiments, certaines d��licatesses d'amiti��, et particuli��rement la langue française, dame aimable et infiniment gracieuse, dont la tristesse et la volupt�� sont ��galement exquises, mais �� qui il ne faut jamais imposer des choses sales. C'est d��shonorer sa beaut��

Apr��s avoir pass�� la deuxi��me partie du baccalaur��at, en novembre 1889, il devança l'appel sous les drapeaux pour un volontariat d’un an. Le satiriste Edward Sorel le peignit comme une aimable « folle » qui s'��tait engag�� dans l'arm��e parce qu'il ��tait « ��moustill�� �� l'id��e de vivre en compagnie de jeunes gens virils ». Envoy�� au 76e r��giment d'infanterie �� Orl��ans, il fut class�� 63 e sur 64 au peloton d’instruction. Il semble s'��tre fort ennuy�� �� la caserne, mais y eut pour camarades Robert de Billy et Gaston de Caillavet (« Mon amiti�� pour Gaston ��tait immense ; je ne parlais que de lui �� la caserne o�� mon brosseur et le caporal voyaient en lui une sorte de divinit��. » Comment ne pas voir apparaître d��j�� �� travers ces lignes, Robert de Saint-Loup?). Et, tous les dimanches, il venait en permission �� Paris.

En 1890, rendu �� la vie civile, il s’inscrivit �� la facult�� de droit et �� l'École libre des sciences politiques, faisant les ��tudes qu’avait choisies pour lui son p��re, qui ne souhaitait pas une carri��re litt��raire pour lui. Il suivit ainsi les cours d'Albert Sorel, d’Anatole Leroy-Beaulieu et d’Albert Vandal. Mais il suivit aussi, �� la Sorbonne, les cours de Bergson qui venait de publier sa th��se sur les ‘’Donn��es imm��diates de la conscience’’ et dont l'influence le marqua profond��ment.

À la fin de l’��t�� 1891, il s��journa �� Trouville chez les parents de son ami, Jacques Baign��res, dans leur villa des Fr��monts qui donne �� la fois sur la mer et sur la campagne normande (la villa La Raspeli��re d’‘’Á la recherche du temps perdu’’ lui doit certains traits). Il y retourna l’ann��e suivante o�� il ��crivit une nouvelle, ‘’Violante ou la mondanit��’’. Sa maladie, qui l’obligeait �� s’affubler de plusieurs cache-col, de plusieurs manteaux, s’��tait aggrav��e, mais elle lui laissait encore de longs moments de r��mission o�� il avait l’espoir de la voir se r��sorber d’elle-m��me ; il ��tait bien un de ces « val��tudinaires chez qui, tout d’un coup, un pays o�� ils sont arriv��s, un r��gime diff��rent, quelquefois une ��volution organique, spontan��e et myst��rieuse, semblent amener une telle r��gression de leur mal qu’ils commencent �� envisager la possibilit�� inesp��r��e de commencer sur le tard une vie toute diff��rente. » (‘’À la recherche du temps perdu’’, I, page 211).

En 1892, Jacques-Émile Blanche fit son portrait.

Il voulait se consacrer aux lettres. Mais quoi ��crire, et comment? Sa correspondance, les t��moignages de ses amis, le contenu de ses carnets intimes et de ses ��bauches, et, sous une forme voil��e, ‘’Á la recherche du temps perdu’’, nous font assister �� son apprentissage des lettres et �� ses crises de d��couragement. Il rechercha des mod��les, mais ses goûts ��taient trop ��clectiques pour le guider : comme sa grand-m��re et sa m��re, il appr��ciait Mme de S��vign��, George Sand et les romanciers de l'Angleterre victorienne (Dickens, George Eliot) ; comme son entourage mondain, il goûtait les romans psychologiques sp��cialis��s dans la peinture de l'aristocratie ; comme ses anciens professeurs, il fr��quentait les classiques du XVIIe si��cle. À tout cela, il ajouta personnellement Saint-Simon, Baudelaire, Flaubert, Sainte-Beuve, Barbey d'Aurevilly, Augustin Thierry, Tolstoï, Dostoïevski, Anatole France, Pierre Loti, Mallarm��. Cette facult�� de communier avec des auteurs aussi vari��s semblait indiquer plutôt la souplesse du critique qu'une conception bien arr��t��e de l'art. Son activit�� visible prit un caract��re de dispersion qu'il se reprocha plus tard.

Avec des camarades du lyc��e Condorcet, Fernand Gregh, Daniel Hal��vy, Robert de Flers, il fonda la revue ‘’Le banquet’’, �� laquelle il collabora r��guli��rement, y publiant des ‘’��tudes’’, des r��flexions et des nouvelles dont la plupart furent reproduites dans ‘’Les plaisirs et les jours’’, o�� il explora d��j�� les th��mes de sa vie : l’amour d��couvert et v��cu par la souffrance, la marche illusoire du temps o�� l’avenir n’est qu’une ��ternelle projection du pass��, lequel revient le marquer de ses r��miniscences fulgurantes. Mais la revue ne dura qu'une ann��e, n’eut que huit num��ros. Il collabora aussi �� ‘’Litt��rature et critique’’, �� ‘’La revue blanche’’, �� ‘’La revue hebdomadaire’’. Il signait tantôt Laurence, tantôt Horatio.

À Trouville (qu’il d��couvrit en 1891, logeant chez des amis �� la villa ‘’Les Fr��monts’’ qui allait servir de mod��le �� la Raspeli��re, la propri��t�� des Verdurin dans ‘’À la recherche du temps perdu’’), dans le cottage de ‘’la Cour brûl��e’’, avec Fernand Gregh, Daniel Hal��vy et Robert de Flers, il entreprit, sous forme de lettres, un roman �� quatre, dans le genre de ‘’La croix de Berny’’ (roman « steeple-chase » compos�� par Mme Émile Girardin, Th��ophile Gautier, Jules Sandeau et Joseph M��ry).

Dans une chronique de mars 1892, on trouve cette phrase r��v��latrice chez cet auteur de vingt et un ans : « L'art plonge si avant ses racines dans la vie sociale que, dans la fiction particuli��re dont on rev��t une r��alit�� sentimentale tr��s g��n��rale, les mœurs, les goûts d'une ��poque ou d'une classe ont souvent une grande part». Il ��crivait encore, �� propos de l'« art, ing��nieux consolateur» : « Ses mensonges sont les seules r��alit��s, et, pour peu qu'on les aime d'un amour v��ritable, l'existence de ces choses qui sont autour de nous et qui nous subjuguaient, diminue peu �� peu ; le pouvoir de nous rendre heureux ou malheureux se retire d'elles pour aller croître dans notre âme o�� nous convertissons la douleur en beaut��. »

C'est �� la lumi��re de ces textes qu'il faut consid��rer la vie qu’il menait alors. En effet, m��me sans devoirs professionnels, cette ��poque de 1892-95, marqu��e par l'arrestation et la d��portation d'Alfred Dreyfus (octobre et d��cembre 1894), ne fut pas pour lui un temps inactif. En août 1892, il obtint sa licence ��s lettres. D��sormais les vacances le ramen��rent moins souvent vers Combray, et davantage sur les plages normandes, Trouville (o�� en 1893 il revint avec sa m��re pour s’installer �� l’’’Hôtel des Roches noires’’, au num��ro 10), Cabourg (dont il allait faire Balbec, s��journant au ‘’Grand Hôtel’’).

En f��vrier 1893, il publia dans ‘’Le banquet’’ ‘’Violante ou la mondanit��’’.

Il obtint une licence en droit, et pensa alors s'orienter vers la carri��re diplomatique.

Il passa ses vacances d'��t�� �� Trouville, mais avec sa m��re, �� l’hôtel des Roches noires o�� le revit Fernand Gregh qui nota : « Il regardait de sa chambre, entre ses premi��res crises d'asthme, les couchers de soleil sur la Manche dont il allait fixer pour toujours les nuages ��ph��m��res. » Les couchers de soleil, les lectures et les promenades sur le sable ou dans la campagne avec une bande d’amis (dont de futurs ��crivains) l’attiraient davantage que les baignades en mer. Mais il ne put jamais y faire venir Reynaldo Hahn, jeune compositeur prodige auquel il s’��tait li�� et ��tait tr��s attach��, qui fut  pour lui un v��ritable intercesseur vers la musique de Saint-Saëns, de C��sar Franck et de Gabriel Faur�� (qui allait lui inspirer celle de Vinteuil dans ‘’À la recherche du temps perdu’’), avec qui il partagea aussi bien des « journ��es de lecture», en particulier autour des ‘’M��moires d'outre-tombe’’. Surtout, il lui inspira une de ses premi��res et plus vives passions pour de beaux jeunes hommes. À ce propos, il faut indiquer que ses biographes ont pu d��terminer que, alors qu’il ��tait terrifi�� �� l’id��e de passer pour « inverti », qu’il ��tait ��pris de virilit��, sa sexualit�� se r��duisait sinon �� rien, du moins �� quelques malhabiles et path��tiques s��ances de masturbation en commun.

La m��me ann��e, il fut touch�� par la mort de sa grand-m��re maternelle qui le fit profond��ment r��fl��chir aux « intermittences du cœur» car il ne fut pas aussi ��mu qu’il avait cru devoir l’��tre ; longtemps apr��s, en 1907, �� propos d'un deuil familial chez son ami Robert de Flers, il s'��cria : « Rien ne dure, pas m��me la mort. » Il s��journa �� Trouville et �� Saint-Moritz avec le comte Robert de Montesquiou, belle figure de litt��rateur ��quivoque qu’il voyait « moiti�� mousquetaire et moiti�� pr��lat» et avec lequel on ne sait s’il a partag�� plus qu’une amiti�� conflictuelle, comme avec le comte Bertrand de F��nelon dont il allait ��crire, dans ‘’À la recherche du temps perdu’’, qu’il l’« eut pour ami le plus cher », qu’il fut « l’��tre le plus intelligent, bon et brave, inoubliable �� tous ceux qui l’ont connu » (II, page 771) qui fut toujours pour lui tr��s pr��venant : un soir, au restaurant Larue, par gentillesse, il ex��cuta une travers��e de haute voltige sur le dos des banquettes, pour aller chercher le manteau de son ami, qui avait froid ; il fut donc le mod��le de Robert de Saint-Loup m��me s’il est mentionn�� aussi sous son nom dans ‘’À la recherche du temps perdu’’.

Un ami d’enfance, Jacques Bizet, fils de Georges Bizet, le compositeur de ‘’Carmen’’, l’introduisit dans le salon de sa m��re, Genevi��ve Hal��vy qui, apr��s avoir ��t�� l’��pouse du compositeur, devint celle du banquier juif Émile Straus, au 134 boulevard Haussmann (ses mots d’esprit auraient inspir�� ceux que Proust pr��ta �� la duchesse de Guermantes). Fernand Gregh l’y revit et se rappela plus tard : « Je le revoyais chez les Straus, jeune homme ��l��gant en habit, le cam��lia �� la boutonni��re, le plastron toujours un peu cass�� par son repliement d��j�� fatigu�� sur lui-m��me, mais promenant sur l'assembl��e ses magnifiques yeux o�� dans le coin des paupi��res la lumi��re frisait d'intelligence.»

Le 3 octobre mourut �� Paris son ami, William Heath.

En mai 1894, il publia dans ‘’Le Gaulois’’ la nouvelle ‘’Une f��te litt��raire �� Versailles’’, en juin, le po��me ‘’Portraits de peintres’’ et, en octobre, la nouvelle ‘’La mort de Baldassare Silvande’’.

Il passa de nouveau ses vacances d’��t�� �� Trouville. Comme il sortait beaucoup et rentrait tr��s tard, qu’il ��tait m��fiant et voulait ��tre en s��curit��, il loua, dans une compagnie que dirigeait Jacques Bizet, les services d’un chauffeur, M. Albaret, dont la femme, C��leste, et la sœur de celle-ci, Marie Gineste, ��tait « courri��res » (comme c’est indiqu�� dans ‘’Sodome et Gomorrhe’’).

Optant tout �� fait pour une carri��re litt��raire, il commença un roman.

Le 14 janvier 1895, il publia, dans ‘’Le Gaulois’’, un article intitul�� ‘’Un dimanche au conservatoire’’.

Il fut reçu �� la licence ��s lettres (philosophie), puis, troisi��me sur trois, au concours d’« attach�� non r��tribu�� �� la biblioth��que Mazarine » o��, cependant, il ne mit jamais les pieds. Il fut d��tach�� au minist��re de l'Instruction publique, mais demanda un cong�� d'un an. La fortune de ses parents lui permettait, il est vrai, de n'exercer aucun m��tier et de se former une certaine id��e de l’art (peinture, musique, litt��rature), d’��tudier avec un œil d’ethnologue amis ou relations, grands personnages ou inconnus de rencontre, artistes, princes, bourgeois et domestiques. Du plus int��ressant au plus banal, il trouvait dans chaque ��tre, un geste, un mot, une ��tincelle, une paillette �� recueillir.

C’est que sa vie mondaine devenait de plus en plus brillante. Robert de Montesquiou ayant daign�� pr��senter son jeune et juif ami �� sa cousine, la comtesse Greffulhe, n��e Caraman-Chimay (une des « cl��s » pour la duchesse de Guermantes), il put sortir des salons de ses « banqui��res » pour p��n��trer dans le faubourg Saint-Germain, quartier des hôtels aristocratiques. Il y rencontra Charles Haas, dandy et esth��te, un des mod��les de Swann, Anatole France qui ��tait pour lui « le grand ��crivain », Abel Hermant, Mme de Noailles. Il fr��quenta aussi le salon de l'aquarelliste Madeleine Lemaire o�� il rencontra la princesse Polignac, Madame de Chevign��, les fr��res Bibesco, Antoine et Emmanuel, G. de Lauris.

Passant ainsi d’amis qui ��taient bourgeois �� des amis qui appartenaient �� l’aristocratie, il fut donc un v��ritable snob qui assimila tout un Bottin du gratin. Cela lui permit de faire d’importantes rencontres dans les milieux mondains. Mais, s'il passait alors pour un aimable dilettante, pour un dandy �� la boutonni��re fleurie d’une fleur de magnolia, qu’on recevait parce qu’il amusait, qui se signalait comme un disert faiseur de mots, qui se livrait �� des imitations satiriques, �� des pastiches, qui ��tait capable de provoquer des fous rires, il se donnait �� lui-m��me l'excuse d'observer les futurs personnages de son œuvre. Sous la protection d'une frivolit�� apparente, elle se pr��para souterrainement, se mûrit, s'organisa. Ainsi, vers sa vingt-cinqui��me ann��e, alors qu'il aurait pu ��tre ��bloui ou distrait par la « foire aux vanit��s», en fait il observait, il analysait avec l'attention passionn��e d'un naturaliste. François Mauriac a pu en dire : « Comme Pline l'ancien p��rit pour avoir voulu observer de plus pr��s l'��ruption du V��suve, il est admirable que notre Proust se soit jet�� dans la gueule du monstre afin de nous en donner une peinture exacte [...] Comme ces m��decins qui s’inoculent un virus pour l'analyser librement, il semble s'��tre inocul�� le snobisme afin de mieux pouvoir le d��crire.» Peu �� peu, allaient prendre corps ce qu’il appela « les personnages de la com��die mondaine », formule qui marquait la filiation avec ‘’La com��die humaine’’ de Balzac. Et, d’ailleurs, il r��digea, pour des journaux sp��cialis��s, quelques chroniques sur les salons aristocratiques qu'il signait Dominique ou Horatio. Le 11 d��cembre 1895, il publia, dans ‘’Le Gaulois’’, un article intitul�� ‘’Figures parisiennes’’. Il composa aussi des essais, des pastiches.

Colette le rencontra alors et put d��clarer : « Il ��tait un bien joli jeune homme. Fiez-vous au portrait que peignit de lui Jacques-Émile Blanche. Cette ��troite bouche, cette brume autour des yeux, cette fraîcheur fatigu��e, les traits et l'expression appartiennent vraiment �� Marcel Proust jeune. L’expression du plastron blanc, froiss��, et de la cravate convulsive m’effray��rent autant que les touches noires pos��es sous les yeux, par un mal distrait qui lui charbonnait le visage au hasard […] Il ressemblait, c��r��monieux et d��sordonn��, �� un garçon d’honneur ivre. Je n’avais gu��re de goût pour sa tr��s grande politesse, l’attention excessive qu’il vouait �� ses interlocuteurs, surtout �� ses interlocutrices, une attention qui marquait trop, entre elles et lui, la diff��rence d’âges. C’est qu’il paraissait singuli��rement jeune, plus jeune que tous les hommes, plus jeune aussi que toutes les jeunes femmes. De grandes orbites bistr��es et m��lancolique, un teint parfois ros�� et parfois pâle, l’œil anxieux, la bouche, quand elle se taisait, resserr��e et close comme pour un baiser […] Des habits de c��r��monie et une m��che de cheveux d��sordonn��e.» Pour Maurice Barr��s : « Proust ��tait le plus aimable jeune homme, une merveilleuse source de compliments et de moqueries, avec une extr��me abondance de mots un peu ternes et une subtilit�� prodigieuse de nuances. »

Il se faisait des amis, uniquement des hommes jeunes, beaux, curieux, ouverts, cultiv��s, brillants, qui comptaient ��norm��ment pour lui. Il les inondait de lettres, faisait avec eux des excursions �� Chartres, Reims, Laon, Amiens, Senlis. S’il ��tait avec eux s��ducteur, g��n��reux, il ��tait aussi exigeant, irascible : il fallait que l’autre soit constamment l��, d��sir impossible �� satisfaire. Capable d’un tact exquis, d’une extraordinaire compr��hension, il leur demandait cependant d’avoir avec lui la plus grande franchise, de lui faire des confidences inavouables, de lui confier des secrets mortels ; sa discr��tion ��tait, disait-il, �� toute ��preuve : il serait « un tombeau». Mais Debussy le trouva un peu trop friand de ragots. Ses ��lans successifs, imp��tueux r��clamaient des pactes que, de part et d’autre, on ne pouvait tenir. Il ��tait condamn�� �� n’aimer que des fantômes qui lui ��chappait, et, comme il ��tait incapable de rester longtemps attach�� aux absents, les relations se refroidissaient ; il en souffrait et, quand il souffrait trop, quand ses amis l’avaient d��çu, il tombait malade, se sentant en s��curit�� seulement dans son lit.

En octobre 1895, il s��journa �� Beg-Meil, sur la côte bretonne, avec Reynaldo Hahn, qui composa, sur ses po��mes, des pi��ces pour piano.

Il publia, en ��dition de luxe, chez Calmann-L��vy :

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Les plaisirs et les jours

(juin 1896) 

Recueil de nouvelles, d'essais et de vers

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La mort de Baldassare Silvande vicomte de Sylvanie’’ 

Nouvelle 

Le narrateur, un jeune garçon, d��couvre la mort, en m��me temps que son oncle, dilettante de haute noblesse, frapp�� de paralysie g��n��rale, apprend �� vivre avec elle. Dans sa lente agonie, il ne comprend qu'au tout dernier moment que sa vie fut en fait un ratage.

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’Violante ou la mondanit��’’ 

Nouvelle 

Une jeune fille du monde, par��e des qualit��s les plus prometteuses, d��cide par soif de prestige de se lancer �� la conqu��te du monde. Mais son « existence faite pour l'infini », est « peu �� peu restreinte au n��ant» par la vanit�� des plaisirs mondains, et elle ruine son talent.

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’Fragments de com��die italienne’’ 

Suite de pens��es et de portraits 

Commentaire 

Proust semblait pasticher �� la fois La Bruy��re, La Rochefoucauld, Saint-Simon et Stendhal, avec quelque chose de pr��cieux, de «proustien» avant la lettre.

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’Mondanit�� et m��lomanie de Bouvard et P��cuchet’’ 

Essai 

Commentaire 

Dans cette courte satire, un pastiche de Flaubert, revivent un Bouvard et un P��cuchet tr��s «fin de si��cle».

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’M��lancolique vill��giature de Mme de Breyres’’ 

Nouvelle 

Mme de Breyves d��p��rit parce que mille contretemps s'opposent �� ce qu'elle revoie un jeune homme qui lui a donn�� un furtif rendez-vous auquel elle n'a point voulu aller. 

Commentaire 

La nouvelle dit les bizarreries de la fixation amoureuse. Elle offre aussi, avec une mesure des ‘’Maîtres chanteurs’’ de Wagner, une premi��re version de ce qui allait devenir « la petite phrase » de Vinteuil

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’Portraits de peintres et de musiciens’’ 

Huit po��mes 

Les quatre peintres ��taient Albert Cuyp, Paul Potter, Antoine Watteau, Antonin Van Dyck.

Les quatre musiciens ��taient Chopin, Gluck, Mozart et Schumann. 

Commentaire 

Proust y imita ‘’Les phares’’ de Baudelaire.

Sur ces po��mes, Reynaldo Hahn composa des musiques.

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’La confession d'une jeune fille’’ 

Nouvelle 

Une jeune fille se suicide parce qu’elle est hant��e par le mal et la culpabilit��, que l'amour de sa m��re et sa conscience religieuse n'ont pu faire taire les ��lans de sa sensualit��.

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’Un dîner en ville’’ 

Nouvelle de 9 pages 

Honor�� est �� un dîner chez une snob, Mme Fremer, qui a invit�� des gens qu'elle n'avait pu inviter pr��c��demment et entre lesquels il n'y a gu��re de relations : des ��crivains de tendances diff��rentes, un couple d'Espagnols, des duchesses, l'associ�� de son mari, etc., un agr��gat de convives « p��tillant de b��tise ». Apr��s le dîner, Honor�� descend les Champs-Élys��es en se sentant en sympathie avec les ��tres.  

Commentaire 

Dans la nouvelle ��clate la vanit�� des soupers de snobs.

Elle figura dans l'anthologie “Les trente meilleures nouvelles de la litt��rature française”.

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’Les regrets, r��veries couleur du temps’’ 

Suite de trente br��ves chroniques 

Commentaire 

Proust s'y adonna �� des exercices de style qui visaient �� traduire en «romances» les discours dits impressionnistes, voire japonisants.

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’La fin de la jalousie’’ 

Nouvelle 

Honor�� ne transcende que sur son lit de mort, o�� un brutal accident l'a pr��matur��ment conduit, la jalousie qui s'��tait insinu��e dans son esprit au point de l'envahir tout entier.  

Commentaire 

La nouvelle contenait en puissance la mati��re de ce qui allait ��tre tour �� tour ‘’Un amour de Jean Santeuil’’ et ‘’Un amour de Swann’’.

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Commentaire sur le recueil 

Le titre de l’ouvrage, que Proust d��dia le recueil �� son ami William Heath, reprenait sur un mode l��ger celui d'H��siode, ‘’Les travaux et les jours’’.

La plupart des textes, qui avaient ��t�� ��crits entre 1892 et 1895 et constituaient l'essentiel de ce qu’il avait produit �� cette date, avaient auparavant paru dans des revues telles que ‘’Le banquet’’, ‘’La revue blanche’’, ‘’La revue hebdomadaire’’.

La courte pr��face, quelque peu d��tach��e, fut sign��e du « bon maître», Anatole France, ��crivain tr��s c��l��bre �� l'��poque, qui t��moigna d'un certain recul en soulignant la « jeunesse » d'un auteur excellant �� « conter les douleurs ��l��gantes, les souffrances artificielles », chez qui il d��cela une « ��trange et maladive beaut�� », ajoutant : « Il y a en lui du Bernardin de Saint-Pierre d��prav�� et du P��trone ing��nu ». Mais on a souvent insinu�� que cette ��logieuse pr��sentation du livre avait en fait ��t�� ��crite par l’��g��rie de l’��crivain, Mme Arman de Caillavet.

Ce recueil ��l��gant et po��tique, qui appartient �� la litt��rature de salon, est une œuvre composite, qui regroupe des textes d'une grande vari��t�� formelle, de qualit��s tr��s diverses, comporte aussi des insertions picturales (des portraits et des roses ex��cut��s par Madeleine Lemaire) et musicales (quatre pi��ces pour piano de Reynaldo Hahn pour lesquelles avaient ��t�� r��dig��s les po��mes de ‘’Portraits de peintres et de musiciens’’).

Encore « parcouru de mille ruisselets venus de son ascendance et de sa prime jeunesse », selon le mot de L��on Daudet, Proust cherchait sa voie. S’il y a un seul pastiche d��clar�� (celui, d'ailleurs excellent, de Flaubert, qui annonçait ceux qu’il allait publier beaucoup plus tard dans ‘’Pastiches et m��langes’’), les imitations plus ou moins involontaires ou inconscientes sont nombreuses. Il adopta ainsi, non sans habilet�� parfois, par le genre, la syntaxe ou la th��matique auxquels il eut recours, les mani��res de La Bruy��re (pour les portraits), de Baudelaire (pour les po��mes en prose) et de tant d'autres comme Verlaine, Barr��s, Daudet, Maupassant voire Oscar Wilde ou Remy de Gourmont. Il faut peut-��tre accorder dans cet ensemble une place particuli��re �� Tolstoï : Proust lui dut le meilleur de son inspiration du moment et ��crivit sous son influence "La mort de Baldassare Silvande" et "La fin de la jalousie", les deux nouvelles qui encadrent l'ensemble, sont centr��es sur le th��me de la mort et disent les affres du d��tachement qui la pr��c��de. Mais d��j�� l'��crivain d��butant sut se d��marquer de ces prestigieux ascendants pour commencer �� mettre en place sa th��matique propre, et imprimer sa griffe personnelle �� un « air du temps » que ce livre r��sumait parfois fort joliment.

On y trouve les fondations m��mes de son univers : le th��me g��n��ral de la d��ch��ance et de l'affaiblissement des joies de l'enfance, des simplicit��s campagnardes, des beaut��s naturelles, les souffrances de l'amour, les d��bordements de la jalousie et autres fluctuations que le temps impose �� nos attachements (qui deviendront plus tard sous la m��me plume les « intermittences du cœur »), le tarissement de la sensibilit��, l'oblit��ration de la conscience, la perte de l'âme, �� travers les plaisirs dess��chants, la m��diocrit�� et la st��rilit�� de la vie mondaine. Tout cela est plus sugg��r�� que dit, une impression de tristesse, de d��lectation morose, se d��gage de ce recueil o�� se marque si fort l'unique souci de peindre les ��tats d'âme d'un milieu social ��l��gant et artificiel. Il y ��crivait : « Comme les amants quand ils commencent �� aimer, comme les po��tes dans le temps o�� ils chantent, les malades se sentent plus pr��s de leur âme. [...] Quand j'��tais tout enfant, le sort d'aucun personnage de l'histoire sainte ne me semblait aussi mis��rable que celui de No��, �� cause du d��luge qui le tint enferm�� dans l'arche pendant quarante jours. Plus tard, je fus souvent malade, et pendant de longs jours je dus rester aussi dans l'« arche». Je compris alors que jamais No�� ne put si bien voir le monde que de l'arche, malgr�� qu'elle fût close et qu'il fît nuit sur la terre. »

Il y proposait d��j�� cette esth��tique de la polyphonie �� laquelle il resta fid��le. Sous une ��criture h��rit��e du symbolisme se dessinaient l'ampleur et la fermet�� de sa phrase. Marqu�� par l'esprit du symbolisme, il se montra, dans ces premi��res proses, aux antipodes du roman r��aliste. Cependant, �� vrai dire, chacune de ces peintures de genre manque d'ampleur, et n'annonce que par une discr��te et passag��re fulguration ‘’À la recherche du temps perdu’’. Les meilleurs morceaux sont ‘’M��lancolique vill��giature de Mme de Breyves’’, ‘’Confession d'une jeune fille’’ et ‘’La fin de la jalousie’’, trois nouvelles parfaitement construites o�� il montra l'extraordinaire puissance de l'imagination amoureuse et ses m��faits, les jeunes h��ros vivant des exp��riences dont la valeur d'apprentissage pr��figurait le d��veloppement d'’’À la recherche du temps perdu’’ et, singuli��rement, d'’’À l'ombre des jeunes filles en fleurs’’.

Proust manifesta d��j�� son souci d'une composition harmonieuse, une certaine volont�� de structuration apparaissant en effet, ne serait-ce que dans les diff��rences de th��mes et de longueurs entre les textes juxtapos��s. Mais force est d'admettre que l'ensemble reste assez disparate : on ne peut consid��rer r��trospectivement ce livre autrement que comme une s��rie d'exercices, plus ou moins r��ussis. L'abondance des ��pigraphes (tir��es entre autres de l'‘’Imitation de J��sus-Christ’’) qui surmontent ces productions indique assez qu’il ��crivit encore �� cette ��poque-l�� dans l'enthousiasme plus ou moins bien contrôl�� des influences qu'il subissait : celle d'Emerson par exemple, auteur alors en vogue, de tr��s loin le plus souvent cit��. Mais, m��me si certains textes, empreints d'un sentimentalisme facile et d'une m��lancolie au goût du jour, ��taient encore tr��s engonc��s dans les modes litt��raires du temps, voire directement issus du symbolisme ou du d��cadentisme, nombre d'entre eux pr��sentent cependant l'int��r��t d'��tablir un premier bilan du vaste horizon culturel dans lequel s'inscrivait le jeune ��crivain, et qui d��passait largement ce cadre ��troit. 

Le livre fut jug�� s��v��rement par la critique. Il fallut attendre la mort de Proust pour que Gide ��crivît dans ‘’La nouvelle revue française’’ que ces premiers textes « contenaient d��j�� plus que la promesse de tous les dons �� venir ».

Ces pages furent retrouv��es par Bernard de Fallois dans une caisse d’osier o�� elles s’entassaient sans beaucoup de souci de litt��rature, et furent rassembl��es hasardeusement.

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Proust publia, dans ‘’La revue blanche’’, ‘’Pour un ami : remarques sur le style’’, un texte qu’il allait reprendre en partie, en 1921, comme pr��face �� ‘’Tendres stocks’’ de Paul Morand, et :

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’Contre l'obscurit��’’

(juillet 1896) 

Article 

Proust fustigeait les abstractions symbolistes (« Qu'il me soit permis de dire encore du symbolisme […] qu'en pr��tendant n��gliger les ‘’accidents de temps et d'espace’’, pour ne nous montrer que des v��rit��s ��ternelles, il m��connaît une autre loi de la vie, qui est de r��aliser l’universel ou l'��ternel, mais seulement dans des individus. Les œuvres purement symboliques risquent donc de manquer de vie et, par l��, de profondeur »), r��agissait contre Mallarm�� (qui, toutefois n’��tait jamais nomm��), prenait un engagement linguistique et litt��raire, plaidait pour une langue sensible dans des termes qui ne doivent rien �� la « clart�� » (�� la pr��cision s��mantique) et beaucoup aux conceptions synesth��siques qui ��taient celles de la nouvelle ��cole. 

Commentaire 

Proust s’��tait senti personnellement attaqu��, alors qu’aucune trace de la querelle n’est pr��sente dans sa correspondance. Il se rangeait derri��re Bruneti��re et Anatole France, deux d��fenseurs de la clart��. Il se r��clamait d’un pass�� qui n’est pas celui, tr��s limit��, des classiques, ni celui, pr��classique, des symbolistes : un pass�� « affectif et individuel ».

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En 1896, dans ses lettres �� ses intimes, Proust confiait : « Je travaille depuis tr��s longtemps  �� un ouvrage de longue haleine, mais sans rien achever. »

En janvier 1897, il collabora �� ‘’La revue d'art dramatique’’ et en d��cembre �� ‘’La presse’’.

Il ��tait alors amoureux de Lucien Daudet (le fils d’Alphonse), tr��s beau jeune homme, mince et fr��le, un peu eff��min��, au visage tendre et, ��l��gant et cultiv��. Dans sa chronique du ‘’Journal’’ sur ‘’Les plaisirs et les jours’’, o�� il qualifia Proust de « chochotte » et d'« ��crivain pr��cieux », Jean Lorrain, bien qu’homosexuel lui aussi, r��v��la cette liaison. Pour ces deux raisons, Proust le provoqua en duel ; un petit matin de f��vrier 1897, ils se retrouv��rent dans le bois de Villebon, pr��s de Meudon, un pistolet �� la main ; les t��moins de Proust ��taient le peintre Jean B��raud et le maître d'armes Gustave de Borda ; la l��gende veut qu'un garçon coiffeur amant de Proust se soit pr��cipit�� ce matin-l�� en larmes sur le pr�� pour le supplier de ne pas se battre ; les deux hommes se seraient vaguement tois��s avant de tous les deux d��charger leur arme en l’air, n'ayant aucune volont�� de se blesser ou de se tuer. Mais, toute sa vie, Proust fut fier de ce fait d'armes.

Il publia une critique dans ‘’La revue d’art dramatique’’ et, dans ‘’La presse’’ du 19 d��cembre, un ‘’Adieu �� Alphonde Daudet’’.

1899 fut l’ann��e o�� ��clata l’affaire Dreyfus qui passionna et divisa l’opinion publique, introduisit la discorde dans les familles, m��me celle des Proust o�� la m��re ��tait dreyfusarde, le p��re, antidreyfusard. Marcel, qui avait, dans une ��mouvante lettre �� Robert de Montesquiou, avou�� qu’il ��tait demi-juif par sa m��re, qui vivait difficilement sa jud��it��, qui avait mis en sourdine sa propre culture pour se fondre dans la masse et acc��der au monde clos des salons parisiens, qui s’��tait m��me montr�� plutôt antis��mite, t��moignant en cela de la tendance de l'��poque, fit face soudain �� l’hostilit�� de ceux qui le consid��raient juif, �� l'antis��mitisme d'une soci��t�� r��solue �� conserver ses pr��jug��s, se d��clara dreyfusard, et fut m��me l'un des premiers signataires de la p��tition r��clamant la r��vision du proc��s pour laquelle il se passionna, pr��tendant m��me ensuite avoir ��t�� « le premier dreyfusard ». Son fr��re prit la m��me position, et leur p��re ne leur adressa pas la parole pendant huit jours. Le 14 janvier, il obtint la signature d'Anatole France. Il assista �� des d��bats �� la Chambre des d��put��s, au proc��s Zola dont il s’inspira pour ‘’Jean Santeuil’’. Mais il allait conserver une lucidit�� aiguë sur le comportement ou les erreurs des divers partis politiques.

Le 9 f��vrier 1899, il obtint son quatri��me cong�� d’un an �� la Biblioth��que Mazarine. Son goût pour l’art l’amena �� faire des voyages, �� Amiens, �� Rome, �� Venise, dans les Flandres. En septembre, il s��journa �� Évian.

Il publia dans ‘’La presse’’, ‘’Lettres de Perse et d’ailleurs’’.

Cette ann��e-l��, il fit la d��couverte du grand historien d'art anglais John Ruskin (1819-1900), sp��cialiste d'architecture religieuse, int��ress�� particuli��rement par les cath��drales françaises et l'art italien, qui, pass�� maître dans ce style essentiellement bavard qui ��tait la mode de l’��poque, lui ouvrit des horizons litt��raires et artistiques consid��rables ; il allait adopter sa « religion de la beaut�� », et son esth��tique exigeante allait l'influencer profond��ment. Il voulut traduire sa ‘’Bible d’Amiens’’, mais, comme il lisait tr��s mal l’anglais, sa m��re fit le « mot-��-mot » qu’il remania avec l’aide de Marie Nordlinger, la cousine anglaise de Reynaldo Hahn qui ��tait ��tudiante en peinture et en sculpture.

L’« ouvrage de longue haleine » dont il parlait ��tait un roman, qu’il termina :

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’Jean Santeuil’’

(1896 �� 1899) 

Roman de mille pages  

Deux jeunes gens rencontrent un romancier connu qui, avant de mourir, leur laisse le manuscrit d'un roman qu'ils vont publier, et dont Jean Santeuil est le h��ros. Petit garçon trop sensible qui fait des s��jours et des promenades dans la bourgade d'Illiers, il a des rapports difficiles avec ses parents, s'��veille au monde de l'amour �� travers la passion qu'il porte d'abord �� sa m��re, puis �� une fillette, Marie Kossicheff. Il d��couvre une petite plage bretonne : Beg-Meil. Puis il grandit, oublie Marie, fr��quente le coll��ge puis le lyc��e Henri-IV, o�� lui fait une grande impression son professeur de philosophie, M. Beulier, auquel il s'attache. Il commence sa vie mondaine avec la fr��quentation de plus en plus assidue de la famille aristocratique de son camarade, Henri de R��veillon. Mais son int��gration �� ce milieu, o�� il  d��couvre toute une galerie de personnages plus ou moins pittoresques (dont le vicomte Perrotin), ne se fait pas sans difficult��s car il doit apprendre �� d��chiffrer les rapports entre les ��tres dans toute leur complexit��. Il participe au d��chaînement d'opinions que suscite l'affaire Dreyfus, assistant avec fi��vre, en compagnie de quelques amis, au proc��s de Zola. Mais ses amours continuent de l'occuper davantage. Cependant, �� la fin du livre, il retrouve le souci de ses parents qui sont vieux et meurent. 

Commentaire 

M��me s’il ��tait ��crit �� la troisi��me personne, le texte ��tait une autobiographie : « Puis-je appeler ce livre un roman? C'est moins peut-��tre et bien plus, l'essence m��me de ma vie, recueillie sans y rien m��ler, dans ces heures de d��chirure o�� elle d��coule. Ce livre n'a jamais ��t�� fait, il a ��t�� r��colt��. [...] J'aurais pu le prot��ger des orages, travailler la terre, l'exposer au soleil [...]. », ��crivit Proust dans un projet de pr��face abandonn��, comme le livre lui-m��me. Plus que tous ses autres ouvrages donc, le livre faisait ��cho �� sa vie. Des souvenirs d'enfance y ��taient repris (l'��pisode du baiser du soir, l’amourette avec la Russe Marie de Benardaky), mais aussi des ��v��nements plus contemporains du temps de l'��criture : un s��jour �� Beg-Meil avec Reynaldo Hahn et les premiers retentissements de l'affaire Dreyfus. Le proc��s de Zola est d��crit, et est bross�� un portrait enthousiaste du colonel Picquart qui, persuad�� de l’innocence de Dreyfus et de la culpabilit�� d’Esterhazy, lutta pour la r��vision du proc��s du capitaine.

M��me si, dans sa pr��face, Andr�� Maurois d��clara que c’est « un livre tout �� fait distinct, non seulement parce qu'il est inachev��, mais parce que manquent encore le sujet cl�� du chef-d'œuvre (qui sera la m��tamorphose d'un enfant nerveux et faible en artiste), la continuit�� des personnages essentiels, la d��cision d'��crire le livre �� la premi��re personne, et le courage de plonger dans le sulfureux abîme de Sodome », ‘’Jean Santeuil’’ est le gigantesque brouillon, l'��bauche d��j�� magistrale du «grand œuvre» qu’est ‘’À la recherche du temps perdu’’. Le jeune Proust, qui ne maîtrisait pas tout, laissa dans une forme drue, brute, mille pages disjointes, douze parties disloqu��es. Il y a, ç�� et l��, des choses fades ou lourdes qui tiennent encore �� ses exercices des “Plaisirs et les jours”, des redites, des erreurs (le m��me personnage change plusieurs fois de nom, l'action change de lieu), des blancs (mots qui manquent).

On y trouve d��j�� les th��mes essentiels :

- le baiser du soir refus�� des premi��res pages, ce petit garçon d’une « sensibilit�� maladive et trop fine qui le faisait d��border d'amour �� la moindre gentillesse » qu’est Jean Santeuil ��tant tr��s proche du petit Marcel de ‘’Du côt�� de chez Swann’’ ;

- les amours enfantines (en Marie Kossicheff on reconnaît d��j�� Gilberte Swann) mais d��j�� ressenties comme une forme de d��sespoir ;

- l’��chec et l'horreur des relations entre parents et enfants (qui sont rendus avec une ardeur, une violence, une fureur d'adolescent r��volt�� contre le milieu familial, qui n'ignorent ni les injures ni les bris fracassants de vitres ni les tortures du remords ni les sursauts haineux du bon droit outrag�� : «Toute sa tendresse errante, chass��e du foyer paternel...») ;

- les salons du faubourg Saint-Germain, les similitudes un peu plus qu'��bauch��es entre le monde des R��veillon et celui des Guermantes ;

- le vicomte Perrotin qui annonce Swann, tous deux ayant ��t�� inspir��s par Charles Haas ;

- le sculpteur Bergotte, qui, en fait, pr��sentait une image assez fid��le d’Anatole France et de ses rapports avec Mme de Caillavet ; il ��tait l'auteur de ‘’Monsieur Bergeret’’, et, dans une premi��re ��bauche, Proust lui avait m��me donn�� le nom de Berget ;

- les lieux de vill��giature qui fournirent �� l'��crivain le pr��texte de nombreuses descriptions de la nature et de la communion qu'un ��tre peut ��tablir avec ses divers ��l��ments ;

- les r��flexions ��thiques inspir��es par l’affaire Dreyfus ;

- certaine phrase de violon de la sonate de Saint-Saëns qui deviendra la c��l��bre « petite phrase de Vinteuil » ;

- la relativit�� de l'amour envisag�� dans une optique antistendhalienne et consid��r�� comme la source d'un tourment particuli��rement douloureux : la jalousie ; la d��gradation des sentiments ;

- la « correspondance » entre sensation et souvenir ;

- la hardiesse dans l'exploration psychologique et dans la qu��te de la v��rit�� qui est plus grande que dans ‘’À la recherche du temps perdu’’ o�� ne r��apparut pas le lyrisme crisp��, la subversion anarchiste de la pi��t�� filiale pr��sents dans ce livre. Proust y dit plus de choses sur lui-m��me et montra qu'il avait sur la nature humaine des vues bien diff��rentes de celles qu'il soutint plus tard. Le bonheur, l'euphorie de la vie, de la beaut��, de la lumi��re, des amiti��s, des orages aim��s, y ��clatent avec une force surabondante et triomphale ;

- l'obsession de la puret�� et la conscience de son caract��re inaccessible ;

- les r��flexions ��mouvantes et profondes sur la vieillesse et la mort des parents ;

- les grandes m��ditations, qui se retrouveront dans ‘’Le temps retrouv��’’, sur l'œuvre du temps et sur la mort ;

- la recherche permanente de l'essence des choses, et la confiance dans la mission de l'artiste, charg�� de l'exprimer et de la retenir.

’Jean Santeuil’’ est tourn�� vers l’avenir, alors que ‘’À la recherche du temps perdu’’ est la tentative de reconstitution du pass��. Les phrases sont d��j�� longues mais moins d��mesur��ment que dans ‘’À la recherche du temps perdu’’, et elles n'ont pas encore la fermet�� d��finitive de celles du chef-d'oeuvre. Le style est alerte et rec��le d��j�� une r��elle densit�� m��taphorique. Mais il y avait encore trop de joliesse et de f��minit�� dans ces « copeaux d’un travail sublime »

Mais Proust, apr��s avoir r��dig�� une imposante s��rie de fragments, abandonna cette entreprise, eut m��me l’intention de d��truire ce roman autobiographique, fit ensuite peu d’allusions �� cette premi��re tentative. Nous sommes mal renseign��s sur les raisons de cet abandon. Ces fragments n’en constituent pas moins un remarquable document pour appr��cier dans toute sa port��e ‘’À la recherche du temps perdu’’. On pourrait dire de l'��crivain de ‘’Jean Santeuil’’ que l'obstacle le plus redoutable qu'il rencontra sur son chemin fut peut-��tre celui de la trop grande facilit��, du moins en apparence. Facilit�� avec laquelle il accumula pendant quatre ann��es de r��daction, entre 1895 et 1899 environ, une somme importante de mat��riaux, ressources in��puisables que semblait receler sa vie r��elle pour alimenter son d��sir d'��crire, avec une conscience tr��s aiguë des leçons essentielles �� tirer de la pratique de ses grands devanciers. Cette aisance l'emp��cha de concevoir une forme �� la mesure de sa vaste ambition, et il ne put que constater apr��s coup la pl��thore textuelle �� laquelle il avait abouti, v��ritable d��versement d'un trop-plein qui s'��tait r��pandu sans le moindre endiguement, ainsi qu'il le remarqua dans un projet de pr��face qui sonnait pratiquement le glas de ce livre. Ce qui a fait d��faut pour que ces esquisses deviennent un vrai livre, c'est au fond, �� partir de cette mati��re brute, le travail d'organisation et de mise en forme n��cessaire, le travail d'ajustement et de parade (dans un souci d'esth��tique et de sauvegarde) en quoi consiste l'op��ration litt��raire telle que Proust lui-m��me allait d'ailleurs la faire comprendre ult��rieurement. Et, pour ce faire, il utilisa nombre d'��l��ments qu'il avait mis au jour en ces f��condes ann��es d'exercice et qui servirent ainsi �� ��difier la « cath��drale » : sc��nes, personnages, descriptions, d'abondants passages furent repris dans une optique cette fois plus r��solument fictive. Car ce premier essai romanesque a surtout pâti d'une h��sitation entre autobiographie pure et fiction.  

Ce n'est qu'aux alentours de 1950 que Bernard de FalIois, qui pr��parait une th��se sur Proust, en d��pouillant les monceaux de papiers, de notes, de brouillons divers qu’il avait laiss��s, trouva dans un carton �� chapeau ce manuscrit, tenta de lui donner une coh��sion en proc��dant �� de nombreux d��placements et coupures, titra ce montage d'apr��s le nom du h��ros, et le publia en 1952.

Lors d'une nouvelle ��dition en 1971, Pierre Clarac prit le parti de livrer ces ��crits dans l'��tat o�� Proust les avait laiss��s, en respectant �� la fois un ordre chronologique, d'apr��s l'âge approximatif du personnage principal, une certaine coh��rence th��matique, l'ind��pendance des diverses parties regroup��es par grands th��mes, et en publiant de nombreux passages rest��s in��dits. Les deux premiers regroupements ("Enfance et adolescence" et "À Illiers") racontent les d��buts de l'existence du h��ros. Une longue section est consacr��e aux R��veillon, d’autres �� ‘’La vie mondaine de Jean", aux "Figures mondaines" et aux "Villes de garnison". Un assez long chapitre narre quelques ��pisodes de l'affaire Dreyfus ("Autour de "l'Affaire""). Un autre s’intitule "De l'amour".

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En 1900, cet attach�� assez exceptionnel �� la Biblioth��que Mazarine qu’��tait Proust, ayant obtenu son cinqui��me cong�� d'un an, fut d��sormais consid��r�� comme d��missionnaire. On consid��rait le « petit Proust », qui avait maintenant trente ans, comme un amateur sans avenir. Cependant, il accumulait secr��tement les notes : portraits, r��flexions, descriptions, de plus en plus longs et suivis. Le tout manquait encore d'une id��e directrice et allait sans but pr��cis, mais on y trouvait d��j�� des morceaux achev��s qui allaient passer sans changement dans son œuvre d��finitive. Ce sont les ‘’Carnets intimes’’, dont Andr�� Maurois r��v��la l'existence et donna des extraits dans ‘’À la recherche de Marcel Proust’’.

Dans ‘’Le Figaro’’ du 13 f��vrier, il publia sa premi��re ��tude sur Ruskin : ‘’P��lerinages ruskiniens en France’’, puis, en avril, au Mercure de France, ‘’Ruskin �� Notre-Dame d’Amiens’’.

En mai, il fit avec sa m��re un voyage �� Venise et �� Padoue, pour rejoindre Reynaldo Hahn. Ils descendirent �� l’Hôtel Danieli, un palazzo du XVe si��cle, �� façade gothique, sur la Riva degli Schiavoni, o�� ��taient d��j�� descendus Balzac, Sand et Musset. Il voyait Venise comme « le cimeti��re du bonheur qu’il ne reverra plus ». Au cours de ce s��jour, il m��dita les ��tudes de Ruskin et corrigea, aid�� par Marie Nordlinger, les ��preuves de sa version plus litt��raire de la traduction de ‘’La bible d'Amiens’’, men��e avec grand soin et accompagn��e de notes tellement abondantes qu'elles sont comme un livre dans le livre. Il y retourna seul en octobre.

Le professeur Adrien Proust, sa femme et son fils quitt��rent le 9 boulevard Malesherbes pour le 45, rue de Courcelles.

En 1902, au cours d’un voyage en Hollande, il vit le tableau ‘’Vue de Delft’’ de Vermeer, et d��clara : « J’ai su que j’avais vu le plus beau tableau du monde ».

En f��vrier 1903, son fr��re, Robert, se maria.

Le 25 f��vrier, sous le pseudonyme de Dominique, il publia dans ‘’Le Figaro’’ un article intitul�� ‘’Un salon historique : le salon de S.A.I. la princesse Mathilde’’. Le 11 mai, ce fut ‘’Le salon de Mme Lemaire’’ .

Il fit un s��jour ��  Évian.

Le 6 septembre, sous le pseudonyme d’Horatio, il publia ‘’Le salon de la princesse de Polignac’’.

Le 26 novembre mourut son p��re.

En 1904, il fit une courte croisi��re le long des côtes bretonnes, sur le yacht de M. Paul Mirabaud, beau-p��re de son ami, Robert de Billy.

Il publia dans ‘’Le Figaro’’ d'autres articles sur les salons (4 janvier, 18 janvier, 13 mai). Il composa un « �� la mani��re de Saint-Simon » avec ‘’F��te chez Montesquiou �� Neuilly’’. Il publia aussi, au Mercure de France, la traduction de ‘’La bible d'Amiens’’ avec une pr��face et des notes.

La perte de son p��re l’ayant fait ��voluer vers une pens��e plus grave, vers des pr��occupations d'un autre ordre, le 16 août, il publia, dans ‘’Le Figaro’’, sous le titre ‘’La mort des cath��drales, une cons��quence du projet Briand’’, un article (qui fut repris dans ‘’Pastiches et m��langes’’) o�� il prit la d��fense des ��glises menac��es. Dans un article d'août 1904, il fit un plaidoyer pour « une r��surrection des c��r��monies catholiques d'un int��r��t historique, social, plastique et musical».

Le 15 juin 1905, il publia, dans ‘’La renaissance latine’’ :

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’Sur la lecture’’

(1905) 

Article 

Apr��s une relation de ses propres exp��riences de lecture, Proust d��veloppa une int��ressante th��orie de la lecture, « miracle f��cond d'une communication au sein de la solitude », mettant cependant en garde contre les dangers des lectures excessives car Ruskin avait, �� ses yeux, le tort de croire que l'inspiration se transmet d'un artiste �� un autre. Proust, qui avait une grande curiosit�� et le don d’admiration, voulut se garder du p��ch�� d'« idolâtrie » et voir tout au plus, dans les ��crivains qui l'avaient pr��c��d��, des « incitateurs » : « Nous sentons tr��s bien que notre sagesse commence o�� celle de l’auteur finit, et nous voudrions qu’il nous donnât des r��ponses, quand tout ce qu’il peut faire est de nous donner des d��sirsEt ces d��sirs, il ne peut les ��veiller en nous qu’en nous faisant contempler la beaut�� supr��me �� laquelle le dernier effort de son art lui a permis d’attteindre. Mais par une loi singuli��re et d’ailleurs providentielle de l’optique des esprits (loi qui signifie peut-��tre que nous ne pouvons recevoir notre v��rit�� de personne, et que nous devons la cr��er nous-m��me), ce qui est le terme de leur sagesse ne nous apparaît que comme le commencement de la nôtre, de sorte que c’est au moment o�� ils nous ont dit tout ce qu’ils pouvaient nous dire qu’ils font naître en nous le sentiment qu’ils ne nous ont encore rien dit. » - « La lecture est au seuil de la vie spirituelle ; elle peut nous y introduire : elle ne la constitue pas. » - « Ce qu’il faut donc, c’est une intervention qui, tout en venant d’un autre, se produise au fond de nous-m��mes, c’est bien l’impulsion d’un autre esprit, mais reçue au sein de la solitude. » - « Je qualifie de malsains ce goût, cette sorte de respect f��tichiste pour les livres » - « Un esprit original sait subordonner la lecture �� son activit�� personnelle. Elle n'est plus pour lui que la plus noble des distractions, la plus ennoblissante surtout, car, seuls, la lecture et le savoir donnent les "belles mani��res" de l'esprit. La puissance de notre sensibilit�� et de notre intelligence, nous ne pouvons la d��velopper qu'en nous-m��mes, dans les profondeurs de notre vie spirituelle. Mais c'est dans ce contrat avec les autres esprits qu'est la lecture, que se fait l'��ducation des "façons" de l'esprit. Les lettr��s restent, malgr�� tout, comme les gens de qualit�� de l'intelligence, et ignorer certain livre, certaine particularit�� de la science litt��raire, restera toujours, m��me chez un homme de g��nie, une marque de roture intellectuelle. La distinction et la noblesse consistent, dans l'ordre de la pens��e aussi, dans une sorte de franc-maçonnerie d'usages, et dans un h��ritage de traditions. »

Il estimait que le d��tour par un autre art pr��serve plus sûrement des dangers du pastiche. 

Commentaire 

Ces pages, qui devaient servir de pr��face �� la traduction de ‘’S��same et les lys’’, de Ruskin, reparurent, modifi��es, sous le titre ‘’Journ��es de lecture’’, dans ‘’Pastiches et m��langes’’.

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En 1905, Proust commença �� r��diger des textes qui allaient figurer dans ‘’Contre Sainte-Beuve’’.

À Évian, o�� il se trouvait avec sa m��re, elle tomba gravement malade, ayant une crise d’ur��mie. Le 13 septembre, il la ramena �� Paris o�� elle mourut le 26, d’une n��phrite. Il en ressentit une douleur profonde et durable : « Ma vie a d��sormais perdu son seul but, sa seule douceur, son seul amour, sa seule consolation. » (‘’Correspondance g��n��rale’’, I, pages 161-163). Il ��crivit �� Lucien Daudet : « Il me serait si doux avant de mourir de faire quelque chose qui aurait plu �� ma maman. » Lui-m��me grand malade qui vivait entre bouillottes, fumigations et narcotiques, il dut passer deux mois de cure (d��cembre 1905-janvier 1906) �� la clinique du docteur Solli��s, �� Boulogne-sur-Seine.

D��sormais, il ne craignit plus de blesser dans sa d��licatesse la sensibilit�� maternelle, osa s'afficher avec des garçons du peuple, jeunes h��t��rosexuels dont il se fit le riche « protecteur », les couvrant de cadeaux hors de prix ; lui qui allait toute sa vie chercher le m��me type d’homme s’acoquina en particulier avec les liftiers du Ritz ; il tissa tout un r��seau d’espions dans les maisons de passe et les bouges.

En juin 1906, il publia, au Mercure de France, sa traduction de ‘’S��same et les lys’’ de Ruskin, qui fut men��e avec grand soin et accompagn��e d’une pr��face et de notes tellement abondantes qu'elles sont comme un livre dans le livre.

En août, il s’installa �� l’Hôtel des R��servoirs �� Versailles, puis, en d��cembre, d��m��nagea au 102 boulevard Hausmann. Il ��crivit alors �� Mme Catusse, une amie de sa m��re pour tenter de r��gler son d��m��nagement : comme il ��tait toujours dans le deuil de sa ch��re « maman » (« Elle emporte ma vie avec elle »), la d��cision d’installer ses meubles dans telle ou telle pi��ce confina �� la folie. Toujours sujet �� des crises d'asthme, il s'enferma progressivement dans sa chambre qu’il fit tapisser de li��ge. Il a pu dire de ses livres qu’ils furent « les enfants, non du grand jour et de la causerie, mais de l'obscurit�� et du silence ». Il y faisait venir des quatuors qui, pour lui seul, jouaient Faur��, Beethoven, etc..

En 1907, il publia dans ‘’Le Figaro’’ plusieurs articles : le 1er f��vrier ‘’Sentiments filiaux d’un parricide’’ dans lequel il fit part des r��flexions que lui inspiraient les lettres qu'il avait reçues d'un homme qui avait par la suite assassin�� sa m��re dans un acc��s de d��mence (article qui fut repris dans ‘’Pastiches et m��langes’’) ; le 20 mars, ‘’Journ��es de lecture’’ ; le 15 juin, un article sur ‘’Les ��blouissements’’ d’Anna de Noailles ; le 19 novembre, ‘’Impressions de route en automobile’’.

Malade, il chercha �� Trouville un lieu de repos pour l’��t��, mais pr��f��ra finalement le Grand Hôtel de Cabourg o�� il loua cinq chambres pour entourer celle qu'il occupait. C’est le mod��le du Grand Hôtel de Balbec d’‘’À la recherche du temps perdu’’. Il en soudoya les chasseurs et les maîtres d’hôtel en leur donnant des pourboires exorbitants (200% !). Pour faire des excursions en automobile �� travers la Normandie, �� l’occasion desquelles il se rendit �� Falaise et y vit l’hôtel du marquis Charles d’Eyragues, il engagea comme chauffeur un jeune homme, Alfred Agostinelli, qui lui dit aimer les femmes et le rendit tr��s jaloux de ces liaisons f��minines. On allait le retrouver dans ‘’À la recherche du temps perdu’’ o�� il fut le chauffeur « charmant et s’exprimant si simplement qu’on eût toujours dit paroles d’Évangile » (II, pages 1027-1028).

En 1908, �� la suite de l’escroquerie d’un certain Lemoine qui fit croire �� la De Beers qu’il pouvait fabriquer des diamants, il publia, les 21 f��vrier, 14 mars et 21 mars 1908, ‘’L’affaire Lemoine’’, s��ries de pastiches qui furent repris dans ‘’Pastiches et m��langes’’.

Dans un carnet de cette ann��e qui contenait une esquisse de roman, il nota un net changement d’inspiration : « Arbres, vous n’avez plus rien �� me dire, mon cœur refroidi ne vous entend plus, mon œil constate froidement la ligne qui vous divise en partie d’ombre et de lumi��re, ce sont les hommes qui m’inspirent maintenant, l’autre partie de ma vie, o�� je vous avais chant��, ne reviendra jamais. » Il rompit progressivement avec sa premi��re mani��re (le genre de la critique litt��raire) pour ��pouser peu �� peu le statut de romancier. Lui, qui n'avait rien ��crit de satisfaisant jusqu'�� l'âge de trente-quatre ans, lib��r�� par la mort de ses parents, aiguillonn�� par l’infid��lit�� d’Alfred Agostinelli, vit se d��clencher le processus cr��ateur, et s'efforça d��sormais d'��chapper �� la loi du temps pour tenter, par l'art, de saisir l'essence d'une r��alit�� enfouie dans l'inconscient et «recr����e par notre pens��e». Cependant, il est difficile de dire si la conception de l'œuvre �� accomplir lui est vraiment apparue avec la brusquerie et la nettet�� qu'il peignit dans ‘’Le temps retrouv��’’, car il a brouill�� les pistes �� dessein.

C’est le 1er janvier 1909 qu’il aurait fait l’exp��rience d’une biscotte de pain grill��e tremp��e dans du th�� et qui fit surgir en lui tout un monde perdu. Et, d��s lors, lui qui n'��tait qu'un jeune bourgeois timide, un snob qui courait les r��ceptions de la haute soci��t�� et se permettait aussi les sorties moins pr��cis��ment connues auxquelles le poussait son homosexualit��, avec un rare « courage de l'esprit », se d��tacha de tout « sans regret, ni d��goût », cessa toute vie mondaine, resta enferm�� chez lui pour, dans cette r��clusion solitaire, cette asc��se, ��chapper aux tentations d'un monde futile trop aim��, vivre dans le silence, se consacrer exclusivement �� l’immense projet, qu'il caressait depuis l'âge de vingt ans, de faire revivre les jours enfuis, de retracer son itin��raire spirituel, dans un ouvrage intitul�� ‘’Le temps perdu’’, car, dans ces M��moires �� la façon de Saint-Simon, il voulait retrouver le temps qu'il avait perdu �� observer avec une minutie extraordinaire les moeurs mondaines en faisant de ces observations la mati��re d'une contemplation artistique sous la forme d'un roman immense et capricieux. Il travaillait la nuit, car il ��tait victime d’insomnies, se reposait le jour, devait sans cesse se soigner, au point qu’il pouvait se demander s’il aurait physiquement la force de mener son projet �� bien. Mais il poursuivit sa tâche, sans fi��vre d'abord, puis de plus en plus intens��ment.

Cette ann��e-l��, il ��crivit le d��but de ‘’Du côt�� de chez Swann’’, qu’il lut �� Reynaldo Hahn et fit lire �� Georges de Lauris, et aussi ‘’Le temps retrouv��’’.

En août, il fit un s��jour �� Cabourg.

Il laissa inachev�� :

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 ‘’Contre Sainte-Beuve’’

(1905-1909) 

Recueil de textes

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‘’Pr��face’’ 

Le narrateur s’y souvient avec une grande nettet�� de la saveur d'une biscotte de pain grill��e tremp��e dans du th��.

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‘’Sommeils’’ 

Le narrateur, en proie �� l'insomnie, part « �� la recherche d’un plaisir que je ne connaissais pas » : « À tout moment je croyais que j’allais mourir. Mais que m’importait ! Ma pens��e exalt��e par le plaisir sentait bien qu’elle ��tait plus vaste, plus puissante que cet univers que j’apercevais au loin par la fen��tre, dans l’immensit�� et l’��ternit�� duquel je pensais en temps habituel que je n’��tais qu’une parcelle ��ph��m��re. En ce moment, aussi loin que les nuages s’arrondissaient au-dessus de la for��t, je sentais que mon esprit allait encore un peu plus loin, n’��tait pas enti��rement rempli par elle, laissait une petite marge encore. Je sentais mon regard puissant dans mes prunelles porter comme de simples reflets sans r��alit�� les belles collines bomb��es qui s’��levaient comme des seins des deux côt��s du fleuve. Tout cela reposait sur moi, j’��tais plus que tout cela, je ne pouvais mourir. Je repris haleine un instant [...]. Enfin s’��leva un jet d’opale, par ��lans successifs, comme au moment o�� s’��lance le jet d’eau de Saint-Cloud, que nous pouvons reconnaître [...] dans le portrait qu’en a laiss�� Hubert Robert. »

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‘’Chambres’’ 

Le narrateur revoit les diff��rentes chambres o�� il a dormi, les r��veils qu'il y a connus. Il se souvient de son enfance �� Combray, de ses s��jours �� Querqueville, station au bord de la mer, o�� il a r��sid�� avec sa grand-m��re.

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‘’Journ��es’’ 

Le narrateur a ��t�� fascin�� par les aristocrates.

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’La comtesse’’ 

Les aristocrates ont d��çu le narrateur. M��me le charme de la « comtesse » s’est dissip�� tr��s vite.

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’L’article dans ‘’le Figaro’’’’

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’Le rayon de soleil sur le balcon’’

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’Conversation avec Maman’’ 

Un jour, �� propos d'un article sur Sainte-Beuve qu'il envisage d'��crire, le narrateur explique longuement �� sa m��re sur quels principes repose la « m��thode » de celui qui a sans doute ��t�� indûment consid��r�� comme un grand critique : Sainte-Beuve. Cette discussion entraîne une s��rie de portraits qui annoncent le monde des Guermantes et le milieu des Verdurin, ainsi que le th��me de l'amour.

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’La m��thode de Sainte-Beuve’’ 

Le narrateur prend pour cible le c��l��bre critique litt��raire du XIXe si��cle, dont la r��putation ��tait jusque-l�� incontest��e. Il d��nonce la conception de la critique de cet excellent lecteur des classiques qui, selon lui, avait mal compris ses contemporains. Sa m��thode consistait �� « ne pas s��parer l'homme et l'œuvre », voyait dans l'œuvre avant tout le reflet de la vie de son auteur, pensait pouvoir l'expliquer par elle et cherchait �� cette fin « �� s'entourer de tous les renseignements possibles sur un ��crivain, �� collationner ses correspondances, �� interroger les gens qui l'ont connu ». Pour le narrateur, il n’y a aucun rapport entre « le moi int��rieur» qui produit les œuvres et le moi ext��rieur que la soci��t�� peut voir ; « un livre est le produit d'un autre moi que celui que nous manifestons dans nos habitudes, dans la soci��t��, dans nos vices » ; plus une sensibilit�� cr��atrice est riche et complexe, moins elle est r��ductible aux donn��es visibles d'une biographie.

Relevant les erreurs du critique, il mit en place sa propre m��thode : elle tendait �� consid��rer l'œuvre elle-m��me, sans tenir compte de la biographie, �� rejeter toute possibilit�� d'explication d'une œuvre par la vie de son auteur. L'interrogation et la r��flexion sur le texte doivent primer.

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’G��rard de Nerval’’ 

Le parti pris de Sainte-Beuve l'avait conduit �� ��mettre des avis souvent injustes, parfois ridicules ou odieux sur certains auteurs. Ce fut ainsi un contresens grossier de sa part que de consid��rer l'auteur de "Sylvie" comme un doux aquarelliste des paysages d'Île-de-France. Le narrateur se livre �� une brillante critique du po��te chez qui Proust d��c��le comme des ��chos de son œuvre : son enfance dans le Valois annonce Combray, le po��te romantique apprend au romancier la part capitale de l'imagination dans l'amour. Il en retient la puissance du « subjectivisme », la vigoureuse aptitude �� empreindre la r��alit�� (et ses « noms de lieux ») de la couleur violente d'un r��ve, d'un souvenir, pour en extraire une « qualit�� personnelle de la sensation ». Il perçoit dans "Sylvie" et son « atmosph��re bleuâtre et pourpr��e » l'invention d'un langage au travers de l'effort accompli pour lever par l'��criture l'��tranget�� �� soi-m��me, pour « ��clairer des nuances troubles, des lois profondes, des impressions presque insaisissables de l'âme humaine ».

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’Sainte-Beuve et Baudelaire’’ 

Ce fut une malhonn��tet�� intellectuelle de la part de Sainte-Beuve que de qualifier l'auteur des ‘’Fleurs du mal’’ d'« aimable garçon, p��trarquisant sur l'horrible ». Le narrateur se livre �� une brillante critique du po��te. En rapport avec sa propre nature, il s'int��resse en Baudelaire �� un m��lange particulier de la sensibilit�� et de la cruaut��, et �� une sorte de maladie de la volont��. La mise en valeur de moments privil��gi��s que Nerval parvint �� isoler, Proust la retrouvait chez Baudelaire dont l'oeuvre est « comme une plan��te o�� lui seul a habit�� et qui ne ressemblait �� rien de ce que nous connaissons », un monde qui produit « un ��trange sectionnement du temps o�� seuls de rares jours notables apparaissent » et « dont chaque po��me n'est qu'un fragment ». Proust appr��cie l'impassibilit�� lucide avec laquelle le po��te railla ses propres souffrances, et l'usage qu'il fit des objets les plus simples pour symboliser toutes les facettes de son univers spirituel.

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’Sainte-Beuve et Balzac’’ 

Sainte-Beuve a r��duit Balzac �� sa soif de r��ussite sociale, en ne comprenant par ailleurs rien �� son g��nie dont l'un des traits a consist�� �� reprendre les m��mes personnages d'un roman �� l'autre. Le narrateur se livre �� une brillante critique du romancier qui lui apprend le prix de la r��alit�� et l'art de percer le secret des ��tres. Contrairement �� Baudelaire, Balzac (chez qui « il n'y a pas �� proprement parler de style ») a trop souvent c��d�� �� la facilit��, dans les sentiments exprim��s, dans la formulation et dans les mobiles qui guident les personnages de ses romans, presque tous rong��s par l'ambition sociale et dont les reparties sont insuffisamment caract��ris��es. Mais c'est, selon Proust, dans cette « vulgarit�� » m��me que le romancier, pour qui la vie et la litt��rature furent ��troitement m��l��es, puisa la force avec laquelle il parvint �� donner « une sorte de valeur litt��raire �� mille choses de la vie qui jusque-l�� nous paraissaient trop contingentes ». Balzac n'est pas parvenu, comme Flaubert, �� transformer la mati��re surabondante qu'il livra au lecteur, et �� lui insuffler la puissance suggestive que Proust appelle pr��cis��ment le « style ».

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’Le Balzac de M. de Guermantes’’ 

Les aristocrates, en qui le narrateur avait plac�� tant d'espoirs, manifestent une incontestable m��diocrit��, se r��v��lant par exemple de pi��tres lecteurs de Balzac.

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’La race maudite’’ 

Invit�� �� une r��ception chez les Guermantes, le narrateur y voit un de leurs parents, le marquis Hubert de Quercy dont il se dit : «On dirait une femme. J’avais compris, c’en ��tait une.» Il appartient �� la «race maudite, pers��cut��e comme Israël», la «race des tantes», des homosexuels, sur lesquels tout un long expos�� est fait.

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’Noms de personnes’’ 

Les « noms de personnes » (ces « urnes d'inconnaissable ») ont fourni autrefois au narrateur maintes occasions de r��ver combien il serait d��licieux de vivre dans l'ombre de certains « dieux » comme les Guermantes.

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’Retour �� Guermantes’’

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‘’Conclusion’’ 

Tous les ��tres que le narrateur a côtoy��s, les lieux qu'il a connus et les impressions qu'il en a retir��es constituent, pour qui forme le projet d'��crire, une mati��re dense et in��puisable : c'est sa propre singularit�� que l'��crivain r��v��lera en les ��voquant.

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Commentaire sur le recueil 

Proust travailla �� cette œuvre de 1905 �� 1909, avec un point culminant vers 1908, date �� laquelle, dans une lettre �� G. de Lauris, il h��sitait sur la forme �� choisir entre un long article, une sorte d'essai et « une longue conversation avec Maman », au saut du lit. En 1908-1909, il ��crivit divers articles avec le projet d'en faire un roman qui serait aussi un essai d'esth��tique et de critique litt��raire. En avril 1909, il d��crivit ainsi �� Alfred Valette, directeur du Mercure de France, l'ouvrage qu'il lui proposait : « Je termine un livre qui malgr�� son titre provisoire : ‘’Contre Sainte-Beuve. Souvenirs d'une matin��e’’ est un v��ritable roman et extr��mement impudique en certaines parties. [...] Le livre finit bien par une longue conversation sur Sainte-Beuve et sur l'esth��tique [...], et quand on aura fini le livre, on verra (je le voudrais) que tout le roman n'est que la mise en oeuvre des principes d'art ��mis dans cette derni��re partie, sorte de pr��face si vous voulez mise �� la fin. » Valette refusa l’ouvrage, et Proust se consacra �� ‘’À la recherche du temps perdu’’ dont ‘’Contre Sainte-Beuve’’ fut en quelque sorte la gen��se, la matrice, la cellule primitive, la somme des articles, ��tudes ou pastiches qui y ��taient group��s ��tant des ��tats pr��paratoires ou des « chutes» du roman, dont l'intrigue est indissociable de la r��flexion qui l'a inspir�� et nourri.

La part de l'autobiographie fictive ��tait d��j�� tr��s importante dans ce m��lange de textes narratifs et de textes de critique litt��raire, et il semble que c’est bien justement pour pr��venir le facile rapport qui ne manquerait pas d’��tre ��tabli entre sa vie et son œuvre qu’avec la plus grande mauvaise foi Proust s’est attaqu�� �� la m��thode de Sainte-Beuve : attaquer n’est-il pas le meilleur moyen de se d��fendre? Il pr��tendait que ce qu'il y eut en lui-m��me d'essentiel, c'��tait son œuvre qui nous le r��v��lerait, plus que son existence apparemment frivole et facile.

Mais, au-del�� de Sainte-Beuve, devenu assez vite simple ��l��ment d��clencheur, il proc��da surtout ici �� un bilan de lecture r��pertoriant les r��f��rences �� partir desquelles il allait bâtir son programme-cadre : Nerval, Baudelaire, Balzac. Pour lui, loin d'��tre un divertissement de lettr��, la critique a ��t�� le premier et constant souci de sa vie. S’il a dû finalement l'abandonner pour ��difier sa grande œuvre, elle n'a pas cess�� de l'informer, de le former. Contre la critique traditionnelle, il posa la critique des cr��ateurs qui seule permettrait, par affinit��s profondes, de faire ressentir l'œuvre « de l'int��rieur ».

Ce groupe de textes qui formait un manuscrit �� moiti�� d��chir�� et non pagin��, fut d��couvert et reconstitu�� par Bernard de Fallois qui le publia en 1954. ‘’Contre Sainte-Beuve’’ devint alors une r��f��rence pour la plupart des tenants des courants critiques d��riv��s du formalisme et du structuralisme qui tendent tous �� consid��rer l'œuvre d'art comme une organisation sp��cifique et autonome.

En 1971, Pierre Clarac ne proposa pour la "Pl��iade" qu’un choix de textes de critique, consid��rant les textes narratifs ("Chambres", "Sommeils", "Journ��es"...) comme des ��bauches d’’’À la recherche du temps perdu’’.

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Dans le cours de l’hiver 1909-1910, Marcel Plantevignes communiqua �� Proust le ‘’Nouvel armorial’’, de Guignard, ce qui nourrit encore sa passion du snobisme.

En 1910, il assista �� la r��p��tition g��n��rale d’un ballet de Reynaldo Hahn, ‘’La f��te de Th��r��se’’, et aux spectacles des Ballets russes.

Il passa l’��t�� �� Cabourg.

En 1911, il y fut de nouveau en août. Cette ann��e-l��, il ��crivit �� son ami Louis de Robert, auteur d'un ‘’Roman du malade’’ : « Les livres, comme les jets art��siens, ne s'��l��vent jamais qu'�� la hauteur d'o�� ils sont descendus. [...] Et pour ceux qui, comme moi, croient que la litt��rature est la derni��re expression de la vie, si la maladie vous a aid�� �� ��crire ce livre-l��, ils penseront que vous avez dû accueillir sans col��re la collaboratrice inspir��e. »

Cette ann��e-l�� encore, il rencontra Albert Le Cuziat, ancien valet de chambre du prince Radziwill et de la comtesse Greffulhe, et il offrit tr��s vite �� ce «Gotha vivant» de le r��mun��rer en ��change de ses connaissances sur l'��tiquette, le protocole, les g��n��alogies, les alliances, etc. Autant d'informations qui allaient ��tre utilis��es dans ’’À la recherche du temps perdu’’. Le Cuziat (qui servit de mod��le au Jupien du roman) ouvrit un «��tablissement de bains», rue Godot-de-Mauroy et procura alors �� l'��crivain des renseignements d'un autre ordre. Et pas seulement des renseignements : des garçons aussi.

Le 21 mars 1912, il publia, dans ‘’Le Figaro’’, ‘’Épines blanches, ��pines roses’’, et d’autres extraits (remani��s) de ‘’Du côt�� de chez Swann’’ suivirent, le 4 juin et le 3 septembre, dans le m��me journal : ‘’Rayon de soleil sur le balcon’’, ‘’L’��glise de village’’, etc..

En août et septembe, il fut �� Cabourg.

Il semble que, cette ann��e-l��, apr��s bien des tâtonnements, il ait achev�� son ouvrage dans ses grandes lignes et dans ses grandes masses, disposant alors de plus de sept cents pages dactylographi��es. À cette ��poque-l��, il envisageait un diptyque ‘’Le temps perdu’’ / ‘’Le temps retrouv��’’, qu’il aurait voulu appeler ‘’Les intermittences du cœur ‘’. 

Abonn�� au th��âtrophone, il ��couta du Wagner et ‘’Pell��as et M��lisande’’. Le prince Antoine Bibesco l’abonna �� la ‘’Nouvelle revue française’’.

En octobre 1912, il lui ��crivit : « Il m’est impossible de t’expliquer dans une lettre ce que j’ai voulu faire dans mon livre ». Cependant, lui qui, rarement dans les milliers de lettres qu’il a ��crites avait dit quoi que ce soit de son travail d’��criture, alla tout de m��me cette fois-ci assez loin, ajoutant : « L’ouvrage est un roman ; si la libert�� de ton l’apparente semble-t-il �� des M��moires, en r��alit�� une composition tr��s stricte (mais �� ordre trop complexe pour ��tre d’abord perceptible) le diff��rencie au contraire extr��mement des M��moires : il n’y a dedans de contingent que ce qui est n��cessaire pour exprimer la part du contingent dans la vie. Et par cons��quent dans le livre, ce n’est plus contingent. Si personnelles qu’aient pu ��tre mes impressions, je ne les consid��re que comme la mani��re d’entrer plus avant dans la connaissance de l’objet. [...] Mon impression approfondie, ��claircie, poss��d��e, je la cache �� côt�� de quinze autres sous un style uni o�� j’ai foi qu’un jour des yeux p��n��trants la d��couvriront. Et d’heures exalt��es il ne reste qu’une phrase, parfois qu’une ��pith��te, et calmes ».

En 1913, entra �� son service C��leste Albaret. Tous ceux qui essayaient de lui rendre visite devaient passer par cette gouvernante qui seule allait partager l'intimit�� d'un ��tre totalement secret et hors du temps, devenant peu �� peu sa seule confidente, recueillant ses avis sur ses contemporains, ses souffrances vis-��-vis de son œuvre, sa lutte contre le temps car il se savait vou�� �� une mort prochaine, sa certitude de voir son g��nie un jour reconnu. Elle lui montra constamment d��vouement, attachement, fid��lit��, respect, tendresse, amour, et, d'apr��s elle, il le m��ritait car, bien que tr��s peu lettr��e, elle prit cependant conscience qu'elle vivait aupr��s d'un homme de g��nie, dont la diff��rence essentielle devait ��tre prot��g��e, servie, aim��e, avant et apr��s la mort (comme elle le fit en publiant en 1973 ses souvenirs sous le titre ‘’Monsieur Proust’’).

À Alfred Agostinelli, venu lui demander un emploi, Proust offrit un poste de secr��taire.

Il passa une partie de l’��t�� �� Cabourg, puis s��journa �� Versailles.

Pour faire ��diter son livre, il fit de laborieuses et vaines d��marches aupr��s d’��diteurs. Mais Andr�� Gide, qui ��tait lecteur chez Gallimard, refusa le livre en consid��rant qu’il s’y trouvait « trop de duchesses », qu’il n’y comprenait rien, qu’��tait r��dhibitoire la n��gligence de Proust qui avait ��crit que des « vert��bres transparaissaient comme les pointes d’une couronne d’��pines ou les grains d’un rosaire» (I, page 52) sur le front de la tante de Marcel, jugement qu’il allait se reprocher longtemps. Le livre fut refus�� aussi par le Mercure de France, par Fasquelle et par Ollendorff. Un rapport de lecture y voyait « la monographie d’un petit garçon maladif, de syst��me nerveux d��traqu��, d’une sensibilit�� et d’une subtilit�� maladives. » Grasset l'aurait accept�� en l'amputant des deux cents derni��res pages. Mortifi��, inquiet, Proust se r��solut �� le publier chez ce dernier ��diteur �� compte d'auteur, ce qui fut annonc�� pour le lendemain dans ‘’Le temps’’ du 12 novembre 1912 :

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Du côt�� de chez Swann

(1913) 

Roman de 420 pages 

Dans la premi��re partie, intitul��e ‘’Combray’’, le narrateur est un enfant qui tient au baiser du soir que lui donne par sa m��re et qui, ayant ��t�� une fois refus��, fit naître en lui l’angoisse. Il apprit que Combray ��tait divis�� en deux côt��s s��par��s, pr��sentant chacun une combinaison th��matique propre :  du « côt�� de chez Swann » se situait le d��sir (pour Gilberte, la fille de Swann) et la prise de conscience de l'existence du mal ; le « côt�� de Guermantes » r��v��lait toute la force de l'envie de prestige. Il d��couvrit la lecture (George Sand et Bergotte). Grâce �� la saveur d'une madeleine tremp��e dans du th��, l'adulte retrouva son enfance.

Dans la deuxi��me partie, ��crite �� la troisi��me personne, intitul��e ‘’Un amour de Swann’’, est narr��e longuement la passion v��cue, bien avant la naissance du narrateur, par un voisin de Combray, Charles Swann, figure en vue du faubourg Saint-Germain �� qui la rencontre d'Odette de Cr��cy donna l'occasion d'exp��rimenter douloureusement les d��bordements d'une jalousie en laquelle se concentra bientôt tout son amour. Il d��couvrit du m��me coup le milieu bourgeois du « clan » Verdurin, o�� il trouva une consolation �� entendre une « petite phrase » de la sonate de Vinteuil.

Dans la troisi��me partie, le narrateur ��voque Balbec, station de la côte normande, r��ve sur les noms de Florence et de Venise (d’o�� le titre : ‘’Noms de pays : le nom’’). Des sorties aux Champs-Élys��es lui ayant ��t�� prescrites du fait de son ��tat maladif, il y remarqua « une fillette �� cheveux roux » qui ��tait Gilberte Swann, dont il se sentit amoureux sans y trouver le bonheur esp��r��, pr��f��rant renoncer �� cette relation.  

Pour un r��sum�� plus pr��cis, voir PROUST - R��sum�� d’’’À la recherche du temps perdu’’

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En novembre 1913, le secr��taire et ami de Proust, Agostinelli, quitta le boulevard Hausmann pour devenir aviateur.

Dans ‘’Le Figaro’’ du 23 novembre 1913 parut une critique flatteuse de ‘’Du côt�� de chez Swann’’, sous la plume de L��on Daudet (auquel Proust allait d��dier ‘’Le côt�� de Guermantes’’). Dans ‘’Le temps’’ du 10 d��cembre, Paul Souday consacra son feuilleton au roman. Le 1er janvier 1914, la ‘’Nouvelle revue française’’ publia une note d’Henri Gh��on. Applaudirent aussi Cocteau, Morand, Mauriac, Rostand.

Sous l’impulsion de L��on et Lucien Daudet, de Paul Souday, d’Henri Gh��on, etc., Gallimard acheta le premier roman en m��me temps qu'’’À l'ombre des jeunes filles en fleurs’’ dont ‘’La nouvelle revue française’’ publia des extraits. À cette occasion, Proust eut une importante correspondance avec Jacques Rivi��re, ��diteur chez Gallimard.

Le 30 mai 1914, Alfred Agostinelli, qui faisait un vol d’entraînement sur un monoplan, s’��crasa dans la M��diterran��e. Proust s’en rendit coupable, et avoua : « C’est l’��tre que j’ai le plus aim�� apr��s ma m��re ». D’ailleurs, il n’eut plus ensuite de liaisons qu’avec des prostitu��s. Ce deuil, surmont�� par l'��criture, traverse certaines des pages les plus ��mouvantes et les plus pures d’‘’À la recherche du temps perdu’’. « Personne, ��crivit-il en mars 1915, n'a v��cu plus que moi avec l'incurable regret de deux ou trois ��tres, ou plutôt en r��alit��, je ne vis pas, je meurs de cela. »

Le 1er juin, ‘’La nouvelle revue française’’ publia des extraits du deuxi��me volume d'’’À la recherche du temps perdu’’, intitul�� ‘’Le côt�� de Guermantes’’ : c’��tait une ��bauche du premier s��jour �� Balbec dont le r��cit, tr��s d��velopp��, prit place dans ‘’À l’ombre des jeunes filles en fleurs’’.

Le 1er juillet, ‘’La nouvelle revue française’’ publia de nouveaux fragments in��dits d'’’À la recherche du temps perdu’’ : c'��tait l'esquisse de plusieurs ��pisodes de ‘’Du côt�� de Guermantes I’’.

En septembre 1914, Proust s��journa �� Cabourg. Une terrible crise d'asthme le saisit au retour et le conduisit �� s'enfermer d��finitivement dans l'appartement du 102, boulevard Haussmann qu'il n’allait quitter que rarement pour quelques sorties mondaines dans Paris. En octobre, son ami intime, Bertrand de F��nelon, fut tu�� �� la guerre.

En raison de son ��tat de sant��, il n’avait pas ��t�� mobilis��. Aussi, sauf pendant quelques mois, entre 1914 et 1916, sous l'effet de la guerre et des chagrins personnels, il se consacra d��sormais uniquement �� son roman avec la hantise de ne pas pouvoir vivre assez longtemps pour le terminer, tout en mesurant cependant tout ce que lui avait apport�� la maladie en l'obligeant �� se refuser au monde. Dans la solitude de ce qu’il appelait « l'arche», sa chambre tapiss��e de li��ge, qui demeurait close en raison aussi d'une sant�� qui devenait de plus en plus vuln��rable, o�� il se prot��geait de tout : du bruit, des odeurs, des gens, o�� il ne prenait que du lait et de l’essence de caf��, il ne cessa, dans des cahiers d’��colier et avec un porte-plume d’��colier, en ��tant couch��, d’��crire, de corriger, de raturer, de barrer, de modifier, de remanier, de retrancher et surtout d’ajouter, remplissant d’abord les marges, jusqu’�� ce que C��leste Albaret eut l’id��e de coller des bouts de papier aux dites marges avec les nouvelles corrections, bouts de papier qu’elle baptisa « paperoles » et qui firent prolif��rer l’œuvre de l'int��rieur.

Il sortait peu, n’allait gu��re que chez une admiratrice, la princesse Soutzo, l’��pouse de Paul Morand, qui, pendant la guerre, abandonna son hôtel particulier et habita �� l'hôtel Ritz, o�� elle lui faisait de grands dîners o�� il pouvait rencontrer telle ou telle personne, ce qui lui permettait de pr��ciser ainsi un point de son oeuvre.

Pour L��on-Paul Fargue qui le vit alors, « il avait l'air d'un homme qui ne vit plus �� l'air et au jour, l'air d'un ermite qui n'est pas sorti depuis longtemps de son ch��ne, avec quelque chose d'angoissant sur le visage et comme l'expression d'un chagrin qui commence �� s'adoucir. Il d��gageait de la bont�� am��re. » Fernand Gregh se rappela : « Chez Weber, il apparaissait parfois vers minuit comme un spectre, en pardessus au plus chaud de l'��t��, le collet renforc�� d'une ouate qui sortait par lambeaux de dessous son col ; un soir, apr��s avoir pendant quelque temps laiss�� pousser sa barbe, c'��tait tout �� coup le rabbin ancestral qui reparaissait derri��re le Marcel charmant que nous connaissions. » Edmond Jaloux aussi le d��crivit : « Il y avait (en 1917) dans son physique m��me, dans l'atmosph��re qui flottait autour de lui, quelque chose de si singulier que l'on ��prouvait �� sa vue une sorte de stupeur. Il ne participait point �� l'humanit�� courante ; il semblait toujours sortir d'un cauchemar, et aussi d'une autre ��poque, et peut-��tre d'un autre monde : mais lequel? Jamais il ne s'��tait d��cid�� �� renoncer aux modes de sa jeunesse : col droit tr��s haut, plastron empes��, ouverture du gilet largement ��chancr��e, cravate r��gate. Il s'avançait avec une sorte de lenteur g��n��e, de stup��faction intimid��e, - ou plutôt il ne se pr��sentait pas �� vous : il apparaissait. Il ��tait impossible de ne pas se retourner sur lui, de ne pas ��tre frapp�� par cette physionomie extraordinaire, qui portait avec elle une sorte de d��mesure naturelle. Un peu fort, le visage plein, ce qu'on remarquait d'abord en lui, c'��taient ses yeux : des yeux admirables, f��minins, des yeux d'Oriental, dont l'expression tendre, ardente, caressante, mais passive, rappelait celle des biches, des antilopes. Les paupi��res sup��rieures ��taient l��g��rement capot��es (comme celles de Jean Lorrain), et l'œil tout entier baignait dans une cernure bistr��e, si largement marqu��e qu'elle donnait �� sa physionomie un caract��re �� la fois passionn�� et maladif. Ses cheveux touffus, noirs, toujours trop longs, formaient autour de sa t��te une ��paisse calotte. On ��tait surpris aussi du d��veloppement exag��r�� de son buste, bomb�� en avant, et que L��on Daudet a compar�� �� un br��chet de poulet, en indiquant qu'il avait ��galement ce trait en commun avec Jean Lorrain. À vrai dire, cette description ne me satisfait gu��re ; il y manque ce je ne sais quoi qui faisait sa singularit�� : m��lange de pesanteur physique et de grâce a��rienne de la parole et de la pens��e ; de politesse c��r��monieuse et d'abandon ; de force apparente et de f��minit��. Il s'y ajoutait quelque chose de r��ticent, de vague, de distrait ; on eût dit qu'il ne vous prodiguait ses politesses que pour avoir mieux le droit de se d��rober, de regagner ses retraites secr��tes, le myst��re angoiss�� de son esprit. On ��tait �� la fois en face d'un enfant et d'un tr��s vieux mandarin. Pendant tout ce dîner, il fut, comme il ��tait toujours quand il avait fini de se plaindre, extr��mement gai, bavard et charmant. Il avait une façon de rire tout �� fait s��duisante quand, pouffant tout d'un coup, il cachait aussitôt sa bouche derri��re sa main, comme un gamin qui s'amuse en classe et qui craint d'��tre surpris par son professeur. Avait-il l'impression que sa gaiet�� ��tait un ph��nom��ne si extravagant qu'il voulait la voiler, ou ce geste avait-il une signification plus imm��diate? »

La guerre emp��cha la publication d’‘’À l’ombre des jeunes filles en fleurs’’. Elle modifia aussi le cours du roman o�� Agostinelli inspira le personnage d'Albertine. Elle eut aussi de profondes r��percussions sur sa mani��re d'��crire car il sentait parfaitement l'��croulement du monde qu'il d��peignait dans son travail.

En 1916, Proust signa un contrat avec les ��ditions de ‘’La ‘nouvelle revue française’’.

En 1917, il aida Albert Le Cuziat �� monter un bordel de garçons, l’hôtel Marigny, 11 rue de l’Arcade, dans le VIIIe arrondissement. Il y d��m��nagea les meubles de sa m��re, d��tail qu’il expoita dans ‘’À la recherche du temps perdu’’ lorsque Marcel donne les meubles qu’il avait h��rit��s de sa tante L��onie �� la patronne d’une maison de passe (I, page 578). Ce voyeur put ��pier par un oeilleton masqu�� les goûts bizarres de la client��le. Mais, au cours de la nuit du 11 au 12 janvier 1918, la police parisienne y fit une descente. Le commissaire avait ��t�� alert�� par une lettre anonyme d��nonçant l'��tablissement comme «un lieu de rendez-vous de p��d��rastes majeurs et mineurs». Et, en effet, «le patron de l'hôtel facilitait la r��union d'adeptes de la d��bauche anti-physique». Quand la police fit irruption, elle tomba, dans le salon, sur quatre hommes «aux allures de p��d��rastes», en train de boire du champagne. Parmi eux figuraient, avec le tenancier et deux soldats, un certain «Proust Marcel, rentier, 102 Boulevard Haussmann». Puis, dans les chambres, furent d��couverts plusieurs couples d'hommes, dans lesquels le plus jeune ��tait mineur (la majorit�� ��tait �� vingt et un ans). Certes, l'homosexualit�� n'��tait pas interdite en France, et il n'y avait pas ici d'«outrage public �� la pudeur», puisqu'il s'agissait d'une maison... close. Mais la consommation d'alcool la nuit (prohib��e en ces temps de guerre) et l'« excitation habituelle de mineurs �� la d��bauche » constituaient des chefs d'inculpation suffisants, et Albert Le Cuziat fut condamn�� �� quatre mois de prison et deux cents francs d'amende. Apr��s la guerre, il ouvrit un nouvel ��tablissement, rue Saint-Augustin, qui fut fr��quent�� notamment par Marcel Jouhandeau, qui exalta dans plusieurs de ses livres les f��tes physiques dont le comblaient ses visites r��guli��res au bordel. D'autres auteurs ont d��peint les diff��rents lieux de rendez-vous tenus par Le Cuziat, tel Maurice Sachs qui consacra plusieurs pages de son autobiographie, ‘’Le sabbat’’, �� ce qu'il appela «le march�� ��tabli de l'homosexualit��».

Le 11 novembre 1918, dans un billet adress�� �� Madame Straus, Proust disait sa joie de la paix enfin revenue, mais lui r��v��lait combien sa vie personnelle ��tait alors compliqu��e : « Je suis embarqu�� dans des choses sentimentales sans issue, sans joie et cr��atrices perp��tuellement de fatigues, de souffrances, de d��penses absurdes. »

Le 30 novembre 1918 (date de l'achev�� d'imprimer), fut publi��, d’abord en un volume :

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À l'ombre des jeunes filles en fleurs

(1918) 

Roman de 520 pages 

Le narrateur, adolescent, fr��quenta les Swann. Odette, que Swann avait fini par ��pouser et dont l'��l��gance raffin��e fascinait le narrateur, offrit �� celui-ci la possibilit��, en l'invitant dans son salon, de rencontrer l'��crivain Bergotte. Il d��couvrit ��galement, au th��âtre, la Berma, com��dienne de grand talent. Dans ces deux cas, sa d��ception initiale fit place, apr��s mutation, �� une profonde admiration. Les « jeunes filles » du titre, c'est �� Balbec que le narrateur les remarqua. Au Grand Hôtel, il fit la connaissance de Mme de Villeparisis et de son neveu, Robert de Saint-Loup. Le baron de Charlus, oncle du pr��c��dent, croisait ��galement dans les parages. Deux rencontres allaient se r��v��ler particuli��rement marquantes pour la suite du roman : celle du peintre Elstir, auquel le narrateur dut une certaine initiation esth��tique, et celle d'Albertine qu'il diff��rencia progressivement de l'essaim de jeunes filles o�� elle se fondait tout d'abord. 

Pour un r��sum�� plus pr��cis, voir PROUST - R��sum�� d’’’À la recherche du temps perdu’’

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En mai 1919, Proust dut quitter l'appartement du boulevard Haussmann vendu par sa tante et transform�� en banque. Il s'installa provisoirement 8 bis, rue Laurent-Pichat, chez la com��dienne R��jane (qui, avec Sarah Bernhardt, servit de mod��le au personnage de la Berma), et il devint l’ami de son fils, Jacques Porel.

Dans une lettre �� Ramon Fernandez, dat��e du mois d'août, il s’expliqua sur ses lectures qui ont beaucoup contribu�� �� la formation de son style puisqu’il a pastich�� un certain nombre d'��crivains, empruntant des styles divers pour mieux conqu��rir le sien : « Le tout ��tait surtout pour moi affaire d'hygi��ne. Il faut se purger du vice si naturel d'idolâtrie et d'imitation. Et au lieu de faire sournoisement du Michelet ou du Goncourt en signant (ici les noms de tels de nos contemporains les plus aimables), d'en faire ouvertement sous forme de pastiches, pour redescendre �� ne plus ��tre que Marcel Proust quand j'��cris mes romans

En octobre, il d��m��nagea de nouveau pour s'installer toujours « provisoirement » au 44, rue Hamelin, dans ce cinqui��me ��tage qu’il n’allait plus quitter jusqu’�� sa mort. François Mauriac lui rendit visite alors : « Il m'apparut plutôt petit, cambr�� dans un habit tr��s ajust��, les ��pais cheveux noirs ombrageant des pupilles dilat��es, semblait-il, par les drogues. Engonc�� dans un col tr��s haut, le plastron bomb�� comme par un br��chet, il arr��ta sur moi un œil de nocturne dont la fixit�� m'intimidait. Je revois cette chambre sinistre de la rue Hamelin, cet âtre noir, ce lit o�� le pardessus servait de couverture, ce masque cireux �� travers lequel on eût dit que notre hôte nous regardait manger, et dont les cheveux seuls paraissaient vivants. Pour lui, il ne participait plus aux nourritures de ce monde. L'obscur ennemi dont parle Baudelaire, ce temps ‘’qui mange la vie’’ et qui ‘’du sang que nous perdons croît et se fortifie’’, se condensait, se mat��rialisait au chevet de Proust d��j�� plus qu'�� demi engag�� dans le non-��tre, et devenait ce champignon ��norme et prolif��rant, nourri de sa propre substance, son œuvre : ‘’le Temps retrouv��’’. »

Apr��s avoir fait des pieds et des mains pour « imposer sa cr��ation », Proust obtint, le 11 novembre 1919, pour ‘’À l’ombre des jeunes filles en fleurs’’, le prix Goncourt, par 6 voix contre 4 aux ‘’Croix de bois’’ de Roland Dorgel��s, un roman qui ��tait un t��moignage exceptionnel sur la Grande Guerre, o��, avec un r��alisme parfois terrible mais toujours d’une g��n��reuse humanit��, cet ��crivain qui y avait combattu avait d��crit la vie des tranch��es dans toute son horreur et aussi sa bouffonnerie, son quotidien et ses moments exceptionnels, alors que Proust non seulement avait ��t�� r��form�� mais ��ludait la guerre dans son livre. Dorgel��s tint malgr�� tout �� le f��liciter.

Le m��me jour, parut dans ‘’Le matin’’ un texte intitul�� ‘’Madame de Villeparisis �� Venise’’.

Le prix Goncourt fut pour Proust la cons��cration et le d��but d'une gloire qu'il n’allait cependant connaître que peu d'ann��es. La joie du succ��s lui rendit quelques forces et il put reprendre contact avec le monde pour d��fendre son œuvre contre l'incompr��hension de certains critiques ou les interpr��tations tendancieuses de certains disciples. Ainsi que le nota Harold Nicolson, « Proust commençait �� ��tre f��t��. Il restait couch�� dans la journ��e dans sa chambre sombre et sans air et, le soir venu, passait m��ticuleusement son habit... pour assister aux r��ceptions offertes en l'honneur des d��l��gu��s au Congr��s de la Paix. »

Mais le temps pressait et il lui fallait renoncer �� tout ce qui n'��tait pas l'unique n��cessaire. Traqu�� par la maladie, il fournit dans les derniers mois de sa vie un labeur prodigieux. Il confia �� Gaston Gallimard : « Je travaille �� cela tout le temps et rien qu'�� cela. »

Il fut nomm�� chevalier de la L��gion d'honneur.

Il publia :

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’Pastiches et m��langes’’

(1919) 

Recueil de textes 

Proust choisit comme pr��texte de ses pastiches un fait divers c��l��bre de l'��poque : « l'Affaire Lemoine ». Ce dernier, ing��nieur français, avait fait croire au pr��sident de la De Beers qu'il pouvait fabriquer d'authentiques diamants et lui avait ainsi extorqu�� une forte somme. Ce th��me devint pour l'��crivain l'occasion d'une s��rie de variations d’une fiction polici��re trait��e successivement �� la mani��re de Balzac, Flaubert, Sainte-Beuve, R��gnier, Goncourt, Michelet, Faguet, Renan et Saint-Simon.

Quant aux « M��langes », la plupart d'entre eux concernent Ruskin et sont centr��s sur un th��me qui lui ��tait particuli��rement cher : l'architecture gothique (‘’En m��moire des ��glises assassin��es"). Peu apr��s la mort de Ruskin, Proust exprima toute l'admiration qu'il lui vouait ("John Ruskin"), m��me si quelques ann��es plus tard (en 1905), dans un article toujours enthousiaste, intitul�� "Journ��es de lecture", il prit quelque distance avec lui, notamment sur sa mani��re de concevoir la lecture : il se refusait �� admettre que la lecture puisse jouer « dans notre vie spirituelle le rôle pr��pond��rant » que l'��crivain anglais semblait lui assigner. Elle ne remplit, dans le meilleur des cas, qu'une fonction d'« impulsion », d'« incitation » �� un travail personnel, �� une recherche sur soi-m��me qui ne peut jamais s'accomplir par personne interpos��e. Et ce d��sir d'ind��pendance par rapport aux influences culturelles, si fortes furent-elles, constitue bien l'��lan unificateur des textes apparemment disparates qui composent ce recueil : « Tant que la lecture est pour nous l'incitatrice dont les cl��s magiques nous ouvrent au fond de nous-m��me la porte des demeures o�� nous n'aurions pas su p��n��trer, son rôle dans notre vie est salutaire. Il devient dangereux au contraire quand, au lieu de nous ��veiller �� la vie personnelle de l'esprit, la lecture tend �� se substituer �� elle. » Ce recueil comporte ��galement de nombreux et brillants articles sur Goethe, Jules Renard, George Eliot, Chateaubriand, un article dans lequel Proust s'inqui��tait en 1904 des cons��quences pour le patrimoine artistique de la loi de s��paration des Églises et de l'État ("La mort des cath��drales") et le texte court paru dans ‘’Le Figaro’’ en 1907 intitul�� "Sentiments filiaux d'un parricide". 

Commentaire 

La plupart des textes furent r��dig��s en 1908.

Dans les pastiches, o�� il d��ploya une virtuosit�� mim��tique ��tonnante, l'humour se m��lant �� une extraordinaire perspicacit�� quant au style des auteurs concern��s (le "Saint-Simon" est particuli��rement soign��), Proust parvint �� assouvir dans un m��me mouvement les deux facettes contradictoires de son aspiration �� ��crire : besoin d'admirer et de faire partager ses d��votions esth��tiques, d'une part, et volont�� de se d��barrasser d'ascendants trop envahissants, d'autre part. Par l'imitation, il s'affranchit de ses mod��les, il exorcisa ses fascinations litt��raires et allait ainsi ��viter de tomber dans les pi��ges de l'imitation. Par cette saine th��rapie, le romancier avoua qu'il ��tait un ancien critique qui sut se renoncer. Ainsi, l'œuvre parvint �� se faire entendre comme une voix unique, incomparable. Ces morceaux constituaient, �� leur mani��re, autant d'essais critiques, proposaient une « critique litt��raire en action » (comme il l'��crivit en 1908 dans une lettre �� un ami), se d��veloppant parall��lement �� la critique plus th��orique qui se trouvait dans ‘’Contre Sainte-Beuve’’. Ce faisant, Proust s'appropria tous les styles et se lib��ra de la tentation de les imiter avant d'aborder son grand roman. C'est d'ailleurs aupr��s de Ruskin lui-m��me qu'il avait appris �� se m��fier du « f��tichisme » auquel peut conduire une ��motion esth��tique insuffisamment contrôl��e. En somme, cette s��rie de textes a constitu�� une ��tape n��cessaire avant la mise en chantier du grand roman : en mimant les ��critures qui l'avaient le plus marqu�� (ou, pour certaines, rebut��), Proust ��valua et pr��para sa propre mani��re d'��crire. Il tenta bien plus tard de s'en expliquer dans une lettre �� Ramon Fernandez : « Le tout ��tait surtout pour moi affaire d'hygi��ne ; il faut se purger du vice naturel d'idolâtrie et d'imitation. Et, au lieu de faire sournoisement du Michelet ou du Goncourt [...], d'en faire ouvertement sous forme de pastiches, pour redescendre �� ne plus ��tre que Marcel Proust quand j'��cris mes romans. » D'autre part, le th��me de l'architecture m��di��vale, dont Ruskin lui avait enseign�� toute la port��e m��taphorique (l'historien d'art Émile Mâle ayant ��t�� ��galement largement mis �� contribution), se pr��senta comme une pr��figuration, comme un ��chafaudage qui lui permit de bâtir sa propre « cath��drale ». Aux prises avec l'alt��rit��, il voulut en assumer les moindres replis et mesurer toutes les difficult��s qu'il faudrait surmonter pour trouver son identit�� sur le terrain de l'expression artistique.

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En 1919, Proust donna une pr��face au livre de Jacques-Émile Blanche, ‘’De David �� Degas’’.

Il publia :

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Le côt�� de Guermantes

(1920) 

Roman de 588 pages 

La carri��re mondaine du jeune homme qu’��tait le narrateur prit son essor. Avant d'��tre admis dans ce saint des saints qu'��tait le salon de la duchesse de Guermantes, �� laquelle Saint-Loup refusa de le pr��senter, il dut apprendre les r��gles du « monde » chez Mme de Villeparisis. Mais ce milieu, surtout caract��ris�� par son insignifiance, ne lui apporta qu'une d��ception chronique. Tout �� ses pr��occupations arrivistes, il fit soudain face �� la mort d'un ��tre cher : sa grand-m��re. La douleur qu'il ��prouva, quoique r��elle, ne fut cependant pas aussi intense qu'il l'aurait cru. Il revit Albertine, qui lui accorda le baiser qu'elle lui refusait �� Balbec. 

Pour un r��sum�� plus pr��cis, voir PROUST - R��sum�� d’’’À la recherche du temps perdu’’

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Apr��s le prix Goncourt, l’activit�� romanesque de Proust se doubla d'une importante contribution �� la vie litt��raire de son temps. En t��moignent :

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’À propos du « style» de Flaubert’’

(1921) 

Article 

Proust proposait une magistrale description du style de Flaubert et ��nonçait des propositions g��n��rales sur le style qu'on trouve dans son œuvre.

Ce fut son meilleur article d'analyse litt��raire.

Il parut dans le num��ro de janvier 1921 de la ‘’Nouvelle revue française’’.

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En juin 1921, Proust fit de ‘’Pour un ami : remarques sur le style’’, texte qu’il avait publi�� en 1896 dans ‘’La revue blanche’’, sa pr��face �� ‘’Tendres stocks’’ de Paul Morand o�� il ajouta : «Il est certain que le style de Paul Morand est singulier », o�� il disait de lui qu’« il est parvenu �� unir les choses sous des rapports nouveaux».

Il fit paraître dans le num��ro de juin de la ‘’Nouvelle revue française’’ :

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’À propos de Baudelaire’’

(1921) 

Article 

Proust y prenait ses distances avec les symbolistes.

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De plus en plus malade, Proust ne quittait gu��re son lit, o�� il dormait le jour, dans l’odeur ex��crable de ses nombreuses fumigations. À sept heures du soir, il se r��veillait, tirait la sonnette pour qu’on lui apporte le caf�� au lait et les croissants qui constituaient sa seule nourriture. Puis, toute la nuit, il ��crivait dans une position inconfortable, entour�� de ses carnets de notes en moleskine noire, poursuivant son labeur en se redisant la phrase de saint Jean : « Travaillez pendant que vous avez encore la lumi��re. Bientôt arrive la nuit, alors on ne peut plus rien faire», ��parpillant ses feuilles num��rot��es sur le plancher. Il lui arrivait aussi de dicter �� un secr��taire, auquel il s’adressait toujours avec sa grande politesse : « Veuillez avoir l’obligeance de... ».

Bien rares ��taient les infractions �� sa r��clusion asc��tique, les sorties qu’il se permettait. Toutefois, un jour de juin 1921, il ne put r��sister au d��sir d'aller voir, au mus��e du Jeu de Paume des Tuileries, une exposition consacr��e aux maîtres hollandais, dont ce Vermeer de Delft qu'il aimait tant et dont il voulait contempler la ‘’Vue de Delft’’. Aussi ��crivit-il �� Jean-Louis Vaudoyer : « Voulez-vous y conduire le mort que je suis et qui s'appuiera �� votre bras? » Pendant cette visite, il fut saisi d'un violent malaise et se sentit mourir. Or, d��s qu'il eut repris connaissance, il s'empressa de noter toutes les sensations qu'il venait d'��prouver et qu’il devait pr��ter �� Bergotte, l’��crivain d’’’À la recherche du temps perdu’’.

Colette le revit alors et nota : « Tout en lui annonçait, avec une sorte de hâte et d'ivresse, sa fin. Vers le milieu de la nuit, dans le hall du Ritz, d��sert �� cette heure, il recevait quatre ou cinq amis. Une pelisse de loutre, ouverte, montrait son frac et son linge blanc, sa cravate de batiste �� demi d��nou��e. Il ne cessait de parler avec effort, d'��tre gai. Il gardait sur sa t��te - �� cause du froid et s'en excusant - son chapeau haut-de-forme, pos�� en arri��re, et la m��che de cheveux en ��ventail couvrait ses sourcils. Un uniforme de gala quotidien, en somme, mais d��rang�� comme par un vent furieux qui, versant sur la nuque le chapeau, froissant le linge et les pans agit��s de la cravate, comblant d'une cendre noire les sillons de la joue, les cavit��s de l'orbite et la bouche haletante, eût pourchass�� ce chancelant jeune homme, âg�� de cinquante ans, jusque dans la mort. […] Les ann��es et la maladie avaient travaill�� sur lui �� la hâte. Son agitation et sa pâleur semblaient le r��sultat d'une force terrible. En frac, au centre de Paris obscur, dans le hall ��clair�� peureusement, Marcel Proust m'accueillit avec une gaît�� chancelante. Sur son habit il portait une pelisse ouverte. L'expression du plastron blanc, froiss��, et de la cravate convulsive m'effray��rent autant que les touches noires pos��es sous les yeux, autour de la bouche, par un mal distrait, qui lui charbonnait le visage au hasard. L'empressement, la politesse qu'il eut toujours s'attachaient �� ses gestes, �� ses paroles comme les traces morbides d'une extr��me jeunesse. Il offrait �� boire, proposait une friandise avec les façons d'un garçon de seize ans. Comme beaucoup d'��tres exceptionnellement fragiles, il cessait de ressentir la fatigue �� l'heure o�� les bien-portants avouaient leur lassitude. »

En 1921, il fit paraître, dans le m��me volume que ‘’Le côt�� de Guermantes II’’, ‘’Sodome et Gomorrhe I’’ qui occupait vingt-huit pages, puis, dans diff��rentes revues, des fragments de la suite sous le titre de ‘’Jalousie’’. En 1922, il fit paraître, en trois volumes, ‘’Sodome et Gomorrhe II’’, puis l’ensemble :

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’Sodome et Gomorrhe’’

(1922) 

Roman de 530 pages 

Ce tome s'ouvre sur une longue sc��ne amoureuse entre Charlus et le giletier Jupien, suivie d'une dissertation sur l'homosexualit��. Les anomalies de comportement du baron d��sormais s'expliquaient. Lors d'une soir��e chez la princesse de Guermantes, les conversations se concentr��rent sur l'affaire Dreyfus : il y fut surtout question des remous et regroupements strat��giques que cet ��v��nement provoquait dans les milieux mondains. Les rapports du narrateur avec Albertine devinrent de plus en plus ��troits, et, pendant un second s��jour �� Balbec en sa compagnie, il commença �� la soupçonner d'��tre « gomorrh��enne ». Il d��couvrit le « clan » Verdurin que fr��quentaient ��galement Charlus et son nouveau prot��g��, le jeune musicien Morel. 

Pour un r��sum�� plus pr��cis, voir PROUST - R��sum�� d’’’À la recherche du temps perdu’’

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La prisonni��re

(posthume, 1923) 

Roman de 405 pages 

Marcel s'appr��tait �� rompre avec Albertine quand, subitement sûr de ses attirances « gomorrh��ennes », il d��cida de rentrer avec elle �� Paris et parvint �� la r��soudre �� la vie commune chez lui. Cette claustration �� deux tourna cependant tr��s vite au cauchemar : les pressions inquisitoriales du jeune homme, en proie �� une succession de plus en plus effr��n��e de p��riodes d'apaisement et de torture, se heurtaient �� la duplicit�� experte d'Albertine. Pendant une soir��e chez les Verdurin, il entendit, profond��ment boulevers��, le septuor de Vinteuil. Il d��cida de rompre avec son amie, d��sesp��rant de pouvoir jamais la « poss��der » vraiment. 

Pour un r��sum�� plus pr��cis, voir PROUST - R��sum�� d’’’À la recherche du temps perdu’’

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Albertine disparue

(posthume, 1925) 

Roman de 680 pages 

Un matin au r��veil, Marcel apprit qu’Albertine ��tait partie. Puis il reçut la nouvelle de sa mort. Commença alors pour lui un long travail de deuil o�� sa blessure, maintes fois raviv��e par la confirmation qu'il acquit des moeurs perverses de la jeune femme, se cicatrisa progressivement. Il voyagea, se rendit �� Venise, et finit par consid��rer son histoire avec Albertine comme celle d'un autre. 

Pour un r��sum�� plus pr��cis, voir PROUST - R��sum�� d’’’À la recherche du temps perdu’’

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De janvier �� septembre 1927 parut en grande partie dans ‘’La nouvelle revue française’’ puis en librairie :

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Le temps retrouv��

(posthume, 1927) 

Roman de 360 pages 

Bien des ann��es plus tard, �� Tansonville, pr��s de Combray, Marcel d��couvrit que les deux « côt��s » de Guermantes et de chez Swann se rejoignaient en fait, comme avaient fini par se rejoindre dans le mariage Gilberte et Saint-Loup. La lecture du ‘’Journal’’ des Goncourt et deux s��jours qu'il fit �� Paris pendant la guerre de 1914-1918 lui fournirent de quoi alimenter de longues et f��condes r��flexions. Dans cette atmosph��re de fin du monde chacun tenait �� se prononcer sur le conflit. Les Verdurin r��p��taient les communiqu��s de l'��tat-major ; Charlus ne craignait pas d'affirmer sa germanophilie ; Saint-Loup s'engagea et fut tu��. Il fut donn�� �� Marcel d'observer encore, dans cette sorte de Pomp��i en sursis qu'��tait devenu Paris, Charlus qui, enchaîn��, se faisait fouetter dans une chambre de l'hôtel de passe tenu par Jupien. Alors qu'il ��tait invit�� �� une matin��e donn��e par la princesse de Guermantes, trois ��v��nements anodins (il tr��bucha contre des pav��s in��gaux, entendit un bruit de cuiller et se frotta �� une serviette empes��e) provoqu��rent chez lui, comme jadis la saveur de la madeleine, la m��me involontaire r��surgence de souvenirs, lui firent constater que la m��moire involontaire d��livre l’essence des choses, et se convaincre que l’artiste peut les fixer dans son œuvre, que dans l'art r��side la seule possibilit�� de r��cup��rer le temps perdu. La r��ception �� laquelle il assista ensuite, galerie hallucinante des figures, maintenant d��cr��pites, qu'il avait connues jadis, lui apprit qu'il n'��tait plus temps d��sormais de diff��rer davantage le passage �� l'��criture : il d��cida alors de se retirer pour se mettre �� ��crire le roman que le lecteur vient de lire. 

Pour un r��sum�� plus pr��cis, voir PROUST - R��sum�� d’’’À la recherche du temps perdu’’

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’Du côt�� de chez Swann’’, ‘’À l’ombre des jeunes filles en fleurs’’, ‘’Le côt�� de Guermantes’’, ‘’Sodome et Gomorrhe’’, ‘’La prisonni��re’’, ‘’Albertine disparue’’ et ‘’Le temps retrouv��’’, constituent un ensemble intimidant, long de trois mille pages, dont les premi��res ��ditions comportaient quatorze ou quinze volumes, tandis que l’��dition dans la ‘’Biblioth��que de la Pl��iade’’ n’en a que trois, selon le voeu de l'auteur, intitul�� : 

À la recherche du temps perdu” 

Ce roman fleuve, dont le caract��re autobiographique ne peut faire aucun doute, a une structure d��sordonn��e. Le texte, tr��s sinueux, se d��roule lentement, selon une chronologie manipul��e. Si un narrateur intradi��g��tique, Marcel, prend la parole dans la plus grande partie de l’oeuvre, le point de vue est tout de m��me vacillant. Les personnages sont presque tous soumis �� la loi proustienne du retournement ironique. Aussi les tons sont-ils vari��s, le comique affleurant sans cesse sur un fond sombre. Enfin, on ne peut manquer de s’��tonner d’��normes invraisemblances et de regrettables ��tourderies.

Pour une analyse plus compl��te, voir PROUST - ‘’À la recherche du temps perdu’’ - Int��r��t de l’action  

Proust manifesta sa passion de la langue française, porta beaucoup d’attention �� celle des personnages et �� celle de la narration, ce qui n’emp��cha pas des incorrections. Le style, parfois anim��, est le plus souvent lourd et solennel, caract��ris�� par de c��l��bres longues phrases. Mais la po��sie ��clot dans des comparaisons, des m��taphores, d’autres figures de style, et dans de v��ritables po��mes en prose.

Pour une analyse plus compl��te, voir PROUST - ’À la recherche du temps perdu’’ - Int��r��t litt��raire  

En d��pit de son m��pris du r��alisme, Proust donna un tableau de la soci��t�� française de son temps, consacrant assez peu d’attention au peuple et �� la petite bourgeoisie pour privil��gier la grande bourgeoisie, repr��sent��e par les Verdurin et Swann, et, surtout, l’aristocratie, en particulier les Guermantes auxquels Marcel voua une admiration significative d’un snobisme ridicule. Une attention particuli��re fut port��e aux juifs, avec une cruaut�� telle que l’auteur semble bien avoir ��t�� anim�� de cet antis��mitisme qui fut exacerb�� lors de l’affaire Dreyfus qui divisa la France, qui animait en particulier les aristocrates. Par contre, Proust ��luda pratiquement la guerre de 1914-1918.

Il d��ploya aussi une vaste culture, en c��l��brant les arts : la peinture illustr��e par Elstir, la musique illustr��e par Vinteuil, le th��âtre illustr�� par la Berma, la litt��rature illustr��e par Bergotte.

Enfin, il fit un v��ritable expos�� sur l’homosexualit��, sur Sodome (par la d��couverte des « hommes-femmes », l’��tablissement d’une analogie entre ce qui se passe dans la nature et ce qui se passe entre les homosexuels, l’��mission d’une th��orie de la sexualit��, le tableau de la condition malheureuse des homosexuels, leur vari��t�� et leur nombre des homosexuels) et sur Gomorrhe.

Pour une analyse plus compl��te, voir PROUST - ’À la recherche du temps perdu’’ - Int��r��t documentaire  

Parmi les personnages, se distingue ��videmment Marcel, par la place qu’il occupe en tant que narrateur. Mais il est affligeant, tant sont grandes sa faiblesse physique et morale, sa sensibilit��, sa naïvet�� (qui culmina dans ses rapports avec Charlus), son orientation sexuelle peu affirm��e (car il montra beaucoup d’int��r��t pour de jeunes hommes, dont Saint-Loup). Pourtant, �� l’��gard des femmes, il manifesta souvent un fou d��sir de possession instantan��e, mais ne connut que des amours ridicules pour Gilberte Swann, la duchesse de Guermantes, les « jeunes filles en fleurs » dont Albertine avec laquelle se poursuivit une interminable (et minable !) relation. Ne le sauve que sa vocation litt��raire qui s’affirme in extremis.

Pour une analyse plus compl��te, voir PROUST - ’À la recherche du temps perdu’’ - Int��r��t psychologique I  

Si on classe les autres personnages importants pour aller vers le plus valable, on passe par Morel, le diabolique violoniste ; Mme Verdurin, la grande bourgeoise amatrice de musique ; la « cocotte » Odette de Cr��cy ; la quelconque Albertine qui serait pourtant « gomorrh��enne » ; les fiers Guermantes ; Charlus, l’aristocrate d’une insolence rare et le flamboyant « inverti » qui tenta d’exercer sa p��d��rastie sur Marcel, eut la chance de d��couvrir le giletier Jupien et la malchance de rencontrer Morel pour lequel il consentit �� fr��quenter le salon des Verdurin, qui, pendant la guerre, se distingua par sa germanophilie et sa d��ch��ance dans le masochisme et la fr��quentation de « la crapule » ; enfin Swann, le grand bourgeois esth��te qui tint la vedette dans ‘’Un amour de Swann’’ du fait de sa relation malheureuse avec Odette dont il devint cependant l’��poux, avant que le juif en lui se ressaisisse �� l’occasion de l’affaire Dreyfus, son malheur comme sa noblesse et sa droiture faisant de lui, comme l’indique son nom, un signe pour Marcel et pour le lecteur.

Pour une analyse plus compl��te, voir PROUST - ’À la recherche du temps perdu’’ - Int��r��t psychologique II  

Proust s’est int��ress�� �� des ph��nom��mes mentaux (les impressions fournies par les sens, le sommeil, le r��ve, la m��moire, surtout la m��moire involontaire, le temps, l’imagination). Le moraliste a ��tudi�� l’amiti��, le d��sir (enflamm�� par qui ne peut le satisfaire), l’obsession de la possession, l’amour (de qui nous fait souffrir), « les intermittences du coeur », la jalousie (immanquablement li��e �� l’amour), d’o�� une duplicit�� et une ambivalence constantes, un pessimisme g��n��ralis��. Cet ��crivain agnostique ne se soucia pas de m��taphysique. Il s’employa surtout �� d��finir une esth��tique qui fonda l’oeuvre �� ��crire sur le primat des sensations-souvenirs, le rôle de la m��moire, du temps, de la souffrance, qui offrit une r��flexion sur la r��alit��, justifia l’art, d��finit la transmutation qu’il op��re, refusa les autres th��ories litt��raires.

Pour une analyse plus compl��te, voir PROUST - ’À la recherche du temps perdu’’ - Int��r��t philosophique 
 
 
 

Destin��e de l’œuvre 

Marcel Proust, ��crivain situ�� au tournant de deux si��cles et de deux mondes, avait d��clar�� �� C��leste Albaret, sa fid��le gouvernante : « On me lira, oui, le monde entier me lira, et vous verrez, C��leste, rappelez-vous bien ceci : Stendhal a mis cent ans pour ��tre lu, Marcel Proust en mettra �� peine cinquante ! » Il ne se trompa pas. Mais son œuvre avait de quoi d��concerter ses premiers lecteurs, parmi lesquels elle provoqua une pol��mique. Les premiers critiques de la presse influente de l'��poque (qui, il est vrai, n'avaient de son œuvre qu'une connaissance encore fragmentaire et partielle) furent d��concert��s par ‘’Du côt�� de chez Swann’’ qui ne ressemblait gu��re aux romans contemporains ; il ��tait trop touffu, donc ennuyeux parce qu’excessivement complexe et m��me obscur ; il ne s’y passe rien et il se d��roule au hasard ; le style ��tait compar�� �� celui de ces ��difices de m��tal tordu et de verre ��tir�� qui avaient fâcheusement pullul�� au d��but du si��cle ; en raison de quelques n��gligences, le texte paraissait m��me incorrect ; la composition semblait ne pr��senter qu'un entassement de mat��riaux �� l'��tat brut. Or, par un malencontreux hasard, les premi��res pages de l'œuvre sont, et de beaucoup, les plus difficiles �� suivre. Cependant, �� la lecture des tomes suivants, les critiques reproch��rent �� Proust de se cantonner dans la description des milieux mondains, de p��cher par une surabondance d'analyses psychologiques, de faire preuve d'immoralisme du fait de la pr��sence jug��e choquante de l’homosexualit��. Dans l'ensemble, ils n'ont pas vu, dans ’’À la recherche du temps perdu’’, le chef-d'œuvre aujourd'hui c��l��br��.

Mais, si les surr��alistes demeur��rent indiff��rents, il reçut d’embl��e les ��loges de Cocteau, Morand, Rivi��re, Mauriac, Spitzer, Fernandez, tandis que Gide eut une r��action plus nuanc��e. Il fut le mod��le essentiel pour Virginia Woolf. Quant aux tenants de la litt��rature engag��e (Sartre en t��te), ils furent hostiles.

La leçon qu’avait donn��e Proust, qui pr��tendait ��tre, lui aussi, cet « artiste original » qui fait apparaître un monde nouveau, « diff��rent de l’ancien, mais parfaitement clair » dont il question dans ‘’À la recherche du temps perdu’’ (II, page 327), ne fut entendue vraiment que dans les ann��es cinquante, par les ��crivains du Nouveau Roman comme par les critiques, cet int��r��t et cette estime pour son œuvre faisant d’elle d��sormais l’une des plus comment��es et des plus ��tudi��es, dans le monde entier, un v��ritable mur de gloses s’��tant alors ��lev��, les rh��teurs comptant les m��taphores ou expliquant les phrases par l’asthme. Mais on prit vraiment conscience de l'originalit�� de cette œuvre monumentale qui fut au centre des principaux d��bats litt��raires parce qu’elle anticipait sur la litt��rature moderne en int��grant les aventures du moi dans l'acte d'��criture, parce qu’elle pr��sentait ces nouveaut��s : l’adoption d’un rigoureux point de vue subjectif, la place capitale accord��e au temps (qui acc��da au statut de protagoniste du roman), le renouvellement de la vision du monde grâce �� des phrases amples qui englobent jusqu’aux h��sitations de la conscience, l’importance r��serv��e �� l’analyse. On parla d’une « r��volution proustienne ».

Le premier et le plus net symptôme de ce retour en faveur fut, en 1949, le vif succ��s remport�� par l'ouvrage d'Andr�� Maurois intitul�� ‘’À la recherche de Marcel Proust’’, confirm��, quelque quinze ans plus tard (1959 et 1965), par l'accueil aussi favorable r��serv�� �� la volumineuse biographie de Proust due �� l'Anglais George D. Painter, qui avait tout lu, tout scrut��, avait appliqu�� magistralement la m��thode de Sainte-Beuve pour, en prenant comme point de d��part des faits contrôl��s, de façon hallucinante, retraça son existence jour par jour pour ��tablir qu’elle se retrouva dans le roman dont les personnages trouv��rent leurs cl��s. Encore ne s'agissait-il l�� que d'ouvrages essentiellement biographiques qui n’emp��chent que bien des confusions contribuent �� aur��oler encore Proust d'une lumi��re ou plutôt d'une p��nombre mythique.

La critique d’aujourd’hui recourt �� la g��n��tique textuelle, c'est-��-dire l'analyse des sources, ��bauches, brouillons, manuscrits, variantes ; se donne pour objectif prioritaire de cerner l'int��r��t et la valeur litt��raire de l'œuvre, �� partir d'une ��tude de ses techniques narratives et, plus g��n��ralement, de son style ; analyse la structure, le vocabulaire ou la longueur des phrases. La grande richesse et l'extr��me subtilit�� des portraits des personnages n'ont pas manqu�� d'��veiller l'int��r��t de la critique psychologique au sens le plus large du terme. On trouve encore des ��tudes sociologiques ou encore philosophiques. Une lecture intertextuelle de Proust ��value dans quelle mesure il s'est inspir�� d'��crivains ant��rieurs, et a lui-m��me, �� son tour, inspir�� d'autres romanciers. Se posent aussi des questions sur la meilleure mani��re d'��diter ‘’À la recherche du temps perdu’’ dont les r����ditions se succ��d��rent. Apr��s l'��dition en trois volumes, assur��e par Pierre Clarac et Andr�� Ferr�� dans la ‘’Biblioth��que de la Pl��iade’’ (1954), Jean-Yves Tadi�� dirigea une nouvelle ��dition en quatre tomes (1987 �� 1989), et, dix ans plus tard, publia la premi��re pr��sentation en un seul volume de l'int��gralit�� d'’’À la recherche du temps perdu’’ (‘’Quarto’’, 1999). Comme Proust ne put l’achever, on peut se demander s’il aurait appel�� ‘’Albertine disparue’’ ou ‘’La fugitive’’ (titre adopt�� dans l’��dition de la Pl��iade) le tome qui suit ‘’La prisonni��re’’ ; s’il aurait, comme semblent l'indiquer ses derni��res annotations, consid��rablement r��duit cette partie en vue d'une refonte de la suite du roman.

Cet ouvrage, d’abord mal accueilli, puis couronn�� par le prix Goncourt (1919), enfin largement reconnu, est non seulement une œuvre majeure de la litt��rature française mais un des jalons principaux de la litt��rature universelle, Proust ��tant un des rares auteurs français contemporains qui soient aussi lus en traduction que dans le texte original. Sept millions de volumes, en toutes ��ditions, circulent dans la francophonie et dans les seize langues o�� il a ��t�� traduit.

Pour ou contre, la plupart des ��crivains notables du XXe si��cle se d��finirent par rapport �� lui, essayant soit de l’imiter, soit de le parodier en discr��ditant certaines de ses caract��ristiques. Un public de plus en plus large s'est habitu�� �� son style et n'y voit plus la moindre obscurit��. Proust est m��me l’objet d’un v��ritable culte de la part de thurif��raires dont le snobisme s’exerce sur cette d��nonciation m��me du snobisme. Pour eux, il ne s’agit plus de lire Proust, mais de le relire continuellement comme en un p��lerinage perp��tuel avec croix et banni��res, ou du moins de pr��tendre le relire pour faire parade de cet exploit dans tel dîner en ville ! Pourtant, ne les avait-il pas ��pingl��s �� l’avance en ces « c��libataires de l’Art », « qui n’extraient rien de leur impression, vieillissent inutiles et insatisfaits […] ont les chagrins qu’ont les vierges et les paresseux  […] croient accomplir un acte en hurlant �� se casser la voix : ‘’Bravo, bravo’’ apr��s l’ex��cution d’une œuvre qu’ils aiment […] font de grands gestes, des grimaces, des hochements de t��te quand ils parlent d’art. [...] Comme ils n’assimilent pas ce qui dans l’art est vraiment nourricier, ils ont tout le temps besoin de joies artistiques, en proie �� une boulimie qui ne les rassasie jamais. Ils vont donc applaudir longtemps de suite la m��me œuvre, croyant de plus que leur pr��sence r��alise un devoir, un acte, comme d’autres personnes la leur �� une s��ance de conseil d’administration, �� un enterrement.» (III, page 892) !

En fait, comble de la notori��t��, bien des gens parlent de Proust, comme de Marx ou de Freud, sans l’avoir jamais lu, se contentant plutôt de la biographie de Painter ! La plupart des Français n’ont pas lu ‘’À la recherche du temps perdu’’, mais aiment prononcer ces mots comme le nom d’un de leurs produits de luxe ! 

L’int��r��t pour l’œuvre ne cessa de se manifester aussi par d’autres voies.

En 1998, St��phane Heuet entreprit une adaptation en bande dessin��e qui est toujours en cours.

En 1999, Raoul Ruiz a prouv��, avec son film ‘’Le temps retrouv��’’ (avec Georges du Fresne [Marcel enfant], Marcello Mazzarella [Marcel], Édith Scob [Oriane de Guermantes], Catherine Deneuve [Odette de Cr��cy], Emmanuelle B��art [Gilberte], Vincent Perez [Morel], John Malkovich [Charlus], Pascal Greggory [Saint-Loup], Marie-France Pisier [Madame Verdurin], Chiara Mastroianni [Albertine], Elsa Zylberstein [Rachel], Christian Vadim [Bloch], Mathilde Seigner [C��leste]), que l’adaptation de Proust au cin��ma (tent��e en particulier en 1970 par Luchino Visconti, avec l'aide de Suso Cecchi d’Amico ; en 1972 par Joseph Losey avec Harold Pinter) n’��tait pas n��cessairement vou��e au contresens et au ridicule.

En 2000, Chantal Akerman, ��crivit, avec Éric de Kuyper, une adaptation de ‘’La prisonni��re’’ sous le titre ‘’La captive’’, et r��alisa le film avec Sylvie Testud et Stanislas Merhar.

En 2006, apr��s seize ans de pers��v��rance, sortit un coffret de 111 CD contenant l'int��grale d’‘’À la recherche du temps perdu’’ : 137 heures d'��coute ! De grands com��diens lurent en studio sept �� vingt pages par s��ance de trois heures, pour pr��server l'intensit�� du rapport au texte. Andr�� Dussollier commença avec ‘’Du côt�� de chez Swann’’ et conclut avec ‘’La prisonni��re’’. Entre-temps le rejoignirent Lambert Wilson, Robin Renucci, Guillaume Gallienne, Michaël Lonsdale et Denis Podalyd��s.

En 2007, fut jou��e �� Paris une pi��ce de Philippe Honor�� : ‘’D��livrez Proust !’’ dans une mise en sc��ne de Philippe Persan, o��, dans un d��cor minimaliste (trois cabines de bain et deux chaises longues pour repr��senter la mythique plage de Balbec), deux com��diens, Anne PrioI, en mondaine ��l��gante, et Pascal Thoreau, en dandy persifleur, firent revivre son univers, ses personnages, qu'ils incarn��rent �� merveille, ranimant aussi tout son entourage �� travers les lettres qu’il adressa �� ses amis, Reynaldo Hahn le premier.

En 2008, parut l’��dition fac-simil�� couleur, au format original, du premier des soixante-quinze cahiers d’��colier de Proust. Ce num��ro 54, dit ‘’V��nust��’’, consacr�� au personnage d’Albertine, se situe �� mi-chemin du grand oeuvre puisqu’il l’a tenu de la fin de 1913 �� l’automne 1914.

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Chroniques

(posthume, 1927) 

Recueil d’articles divers 

C’��taient �� la fois des textes de jeunesse et des textes tardifs.

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Correspondance g��n��rale de Marcel Proust’’

(posthume, 1930-1936) 

Proust, un des plus grands ��pistoliers de la litt��rature française, a ��crit pas moins de cent mille lettres exp��di��es �� de nombreux correspondants : sa famille (il instaura avec sa m��re le rite d'une relation ��pistolaire au sein m��me de l'appartement qu'ils partagaient, la soupi��re de la salle �� manger faisant office de boîte aux lettres !), ses camarades du lyc��e Condorcet, ses domestiques, ses amis, ses amants, ses relations mondaines (des aristocrates du faubourg Saint-Germain) ou litt��raires (des ��crivains de son temps, des directeurs de revues, des ��diteurs, des journalistes). La multiplicit�� des correspondants prouve �� quel point, loin d'��tre l'ermite �� la chambre de li��ge exclusivement repli�� sur la gen��se de son œuvre, il fut au contraire tourn�� vers le monde ext��rieur et avide de communication. Par ailleurs, cette multiplicit�� m��me ��tablit assez qu'au-del�� de ses correspondants, il ��tait essentiellement occup�� de lui-m��me : non tant par l'effet d'un ��gotisme ��troit que par l'imp��rieux besoin de se connaître et de s'approfondir dans son essentialit�� �� travers la relation �� autrui.

À lire ces lettres, on suit une vie d'��criture, de sorties, d'amours, de souffrance. Elles adoptent tous les tons, de la tendresse �� la flagornerie, de la col��re �� la sensibilit�� froiss��e.

Comme il envoyait des lettres comme on envoie aujourd'hui des courriels, beaucoup furent ��crites �� la va-vite, en usant de clich��s, en risquant des citations inexactes, sans se relire, d’o�� des fautes, la n��gligence de la ponctuation. Il ne semait pas toujours des ��toiles dans sa prose  pour commenter une soir��e, d��crire une conversation, d��tailler une allure. Mais ces lettres donnent des indication sur les beaux milieux de la Belle Époque.

Dans d’autres, au contraire, il d��ploya tant de protestations de sinc��rit��, de formules d’une politesse mondaine si chaleureuses qu'elles en paraissent glac��es et qu’elles finissent par agacer et m��me par renvoyer de l'auteur puissant d’’À la recherche du temps perdu’’ l'image d'un d��cadent mani��r��, tout droit sorti d'un roman de Huysmans. Ce fut avec une pr��ciosit�� affligeante qu’il exprima des remerciements ou des louanges ; ainsi, �� la comtesse Annes de Noailles, il ��crivit, le 18 juin 1905 : « Quand je pense que c’est vous le point sublime o�� a atteint dans sa croisssance la mentalit�� de l’esp��ce » ou encore : «Dans les âges croyants je comprends qu'on aimât la Sainte-Vierge, elle laissait s'approcher de sa robe les boiteux, les aveugles, les l��preux, les paralytiques, tous les malheureux. Mais vous ��tes meilleure encore, et, �� chaque nouvelle r��v��lation de votre grand coeur infini, je comprends mieux la base in��branlable, les assises pour l'��ternit�� de votre g��nie.» Il flattait donc, mais ironisait aussi, se moquait (ainsi de Robert de Montesquiou aupr��s de Robert Dreyfus, de Cocteau aupr��s de Reynaldo Hahn, etc,), minaudait (son ami Fernand Gregh, pour se moquer de lui, avait invent�� le verbe « proustifier »). Il joua constamment sa com��die �� travers contorsions, pitreries, flatteries.

Souvent, il utilisa ses lettres pas du tout comme une expression sinc��re de sa pens��e mais, au contraire, comme un moyen de faire de fausses confidences, car elles sont socialis��es, mondaines, retenues jusque dans les plus vives effusions sentimentales. Il demeura tr��s discret sur ses amours, sur les secrets de sa personnalit�� complexe et ambiguë. Menteur et manipulateur �� ses heures, il avait tendance �� maquiller la r��alit��. Lui, qui manifesta constamment ce « machiav��lisme psychologique » qu’il avoua �� Lucien Daudet, avançait la plupart du temps masqu��. Les faits qu’il rapporta ne doivent pas ��tre pris pour argent comptant, mais doivent ��tre d��crypt��s : ils valent surtout par ce qu'ils servent �� cacher, ou par ce qu’il leur fait dire, d'o�� cette lecture de l'ombre que commandent ses lettres. L'int��r��t de cette correspondance tient pr��cis��ment au fait qu'au lieu de tendre �� la transparence d'une communication, comme la plupart des correspondances, elle ne semble viser qu'�� l'opacit��, �� la mise �� distance.

Mais, parfois, l’��motion le fit sombrer dans le verbiage maniaque, le sous-entendu incompr��hensible, quand ce ne fut pas le pur d��lire comme dans ces lettres au bord de la d��mence o�� il essayait d’organiser ses d��m��nagements.

La plupart du temps, d’une voix fragile, inconsistante, il se soucia de donner de lui-m��me l'image d'un ��tre sensible et gentil, s’attendrit sur la fragilit�� et l’impr��visibilit�� de son ��tat de sant�� qu’il exag��rait. Mais, s’il se r��pandit sur ses maladies, il en joua pour ��carter ou attirer son monde, se livrant �� un v��ritable « moribondage » pour interposer un cordon sanitaire entre lui et les autres, pour faire obstacle �� presque tous les projets ou les rendez-vous qu’il annulait en laissant pr��voir qu'il n'en pourrait donner d'autres. Je souffre, donc j'existe, semblait-il dire �� chaque fois, je souffre, donc aimez-moi, plaignez-moi et, pourrait-on ajouter en d��passant le stade de la compensation ��pistolaire, n'essayez pas d'intervenir dans ma vie, laissez-moi fixer seul les r��gles de notre jeu de relations. Il composa ainsi le portrait mythique d'un homme des t��n��bres, ��veill�� quand les autres dorment, coup�� de toute vie sociale, ��minemment impr��visible, en non-accord perp��tuel avec autrui. Seules les lettres �� sa m��re lors de quelques ��loignements r��els (en Normandie ou �� Évian) comportent des comptes rendus tr��s d��taill��s de son emploi du temps et de minutieux bulletins de sant��. Il semble que le voyage, assez r��duit dans son existence r��elle, lui ait permis en ce cas de faire coïncider distance et proximit��, et que la relation ��pistolaire signifia alors apaisement, mieux-��tre et presque bonheur.

Le plus souvent, sa vie ne fut pas synchronis��e avec celle des autres. Il ne cessa d’inlassablement se d��solidariser du groupe. Il sembla se complaire �� d��cliner sur tous les tons le mode du ratage. Le th��me majeur de cette correspondance est le malheur d'��tre emp��ch��. Mais il se r��servait toutefois le droit de convoquer ses correspondants d��s qu'ils pouvaient lui fournir tel ou tel renseignement n��cessaire �� l'��laboration, d'ailleurs tenue �� peu pr��s secr��te, de son roman.

Se servant de ses lettres de mani��re tactique, d��fensive ou offensive, pour se d��rober �� l’emprise d’autrui ou le manipuler, il chercha �� y donner une image qui n'��tait sans doute pour lui, plus ou moins consciemment, que le masque commode qui lui permettait de g��rer au mieux ses vrais int��r��ts, sa solitude de cr��ateur original et ambitieux. Tantôt, il minimisa son talent, ��crivant ainsi �� Lucien Daudet, en juin 1906 : « Il n’y a pas de choses que vous ne surpassiez en en parlant. Et Dieu sait que je ne dis pas cela pour mes pauvres productions au-dessus desquelles vous ��tes tellement. » Tantôt, au contraire, il se montra soucieux de faire sa publicit��, n’h��sita pas �� d��nigrer les autres ��crivains en vogue pour s’attirer toutes les faveurs, pour se placer dans le champ litt��raire de son ��poque, joua des coudes, comme au moment de l’attribution du prix Goncourt en 1919, pour favoriser ses int��r��ts, utilisa chaque ��v��nement pour se mettre en ��vidence.

Dans certaines lettres, on trouve des indications objectives sur la fortune et le train de vie tr��s ais�� de ce grand bourgeois tr��s immerg�� dans son ��poque, sur sa domesticit��, les milieux qu’il fr��quentait, les vacances, les amis et les id��es politiques. En novembre 1899, soudain s��rieux, civique, il ��crivit une lettre remarquable o�� il commenta l’affaire Dreyfus, sollicita une signature en faveur du capitaine.

Mais ces lettres sont essentielles �� ceux qui s’int��ressent �� tout ce qui fit l’��crivain qu’on voit comme en dialogue avec lui-m��me. On d��couvre ses goûts artistiques, la formation de son esth��tique �� travers les oeuvres des autres, car il lut beaucoup, cita beaucoup, ces lettres apparaissant comme autant de morceaux de critique artistique. On trouve en abondance, mais en jach��re, des morceaux qui allaient faire partie d’‘’À la recherche du temps perdu’’, des impressions qui allaient se peaufiner dans l’œuvre �� venir, des d��tails saisis qui allaient devenir mati��re romanesque : une pointe de jalousie qui apparut dans une lettre �� Reynaldo Hahn se d��veloppa dans le personnage de Swann, une lettre fut envoy��e �� Madame Straus pour s’informer sur la façon de s’habiller d’une de ses amies. En somme, c’��tait l�� une façon de se mettre en ��tat de roman. On assiste �� la gen��se d’‘’À la recherche du temps perdu’’, sans trouver les secrets de l'��crivain, des informations sur sa cuisine litt��raire : �� peine si, de-ci de-l��, une allusion, une demande de renseignement d'apparence incongrue nous mettent sur le chemin de ses pr��occupations v��ritables. 

Commentaire 

Dans l'ensemble de cette correspondance, le lecteur substitutif, qui remplace les correspondants de Proust, se trouve fr��quemment frustr�� devant un ��crivain �� ce point masqu��, aux antipodes de la libert�� de ton d'un Stendhal ou d'un Flaubert. Il est d��çu aussi par la faible qualit�� litt��raire des lettres, m��me si, parfois, quand on ne l'attend plus, apparaît au tournant la plume du g��nial romancier. Son ton ne monte jamais : il descend, il vague, il remonte, mais jamais n’��clate-t-il de col��re sinon la seule fois, dans une lettre de 1907, o�� il ��voqua Paul L��autaud, « l’��tre le plus immonde, le plus d��nu�� d’intelligence, de style, de grammaire, de sensibilit��, d’originalit�� qui existe, le premier publiciste qui me fasse vraiment comprendre le sens du mot innommable ».  

La premi��re ��dition en six volumes avait ��t�� entreprise sous la conduite du Pr Robert Proust, fr��re du romancier et de sa ni��ce, Suzy Proust-Mante. Les lettres y ��taient regroup��es par destinataires : famille, amis, critiques, etc.

Puis, pendant soixante ans, l’universitaire am��ricain Philip Kolb se consacra �� la recherche et �� une autre ��dition de cette correspondance, en fut le curateur avis�� et m��ticuleux. Il en avait r��uni environ cinq mille au moment de sa mort en 1992, alors qu’��tait sous presse le XXIe tome de cette ‘’Correspondance de Proust’’, entreprise en 1970, groupant cinq mille lettres class��es par ordre chronologique. Il n’��tait donc pas possible d’en traverser l’enti��ret�� �� moins d’��tre un sp��cialiste de premier rang. On en fit des ��ditions parcellaires, comme, en 1991, celle des lettres �� L��on Daudet (‘’Mon cher petit’’) ; en 2003, celle d’une ‘’Anthologie de la correspondance de Marcel Proust’’, un « digest » intelligent de 627 lettres publi�� par Françoise Leriche, maître de conf��rences �� l’universit�� de Grenoble, avec un appareil de notes minutieux, des commentaires enrichis des derni��res recherches sur la correspondance de l’��crivain qui ��tablissent des liens pr��cis entre ces confidences ��crites et ce qui constitue ‘’À la recherche du temps perdu’’ ; en 2007, celle des 159 lettres que Proust ��changea avec sa m��re entre 1887 et 1905.

On peut s'attendre �� d’autres ��ditions, car, si Proust recommandait souvent �� son destinataire : «Brûlez cette lettre !», il ne fut pas toujours ��cout��, et beaucoup dorment encore chez des h��ritiers ou des collectionneurs. Et la publication de celles adress��es �� Reynaldo Hahn ne sera autoris��e que cent ans apr��s la mort de Proust, soit en 2022, et on pense qu’elles donneront tout le cru de l’homosexuel.

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En 1922, Proust, ��tant sorti pour se rendre chez le comte Étienne de Beaumont, se refroidit, fut pris d’une bronchite, fit de la fi��vre. Le m��decin consult��, le docteur Bize, lui ordonna du repos, lui prescrivit des m��dicaments. Mais il ne voulut entendre parler ni de l'un ni des autres car, se reprochant parfois de n'avoir pas suffisamment sacrifi�� sa vie �� sa vocation, il se disait qu’il avait �� corriger les ��preuves d'’’Albertine disparue’’, corrections qui l'absorbaient tout entier et sans lesquelles il se serait sans doute r��tabli. M��me s’il souffrait de suffocation et avait une forte fi��vre, du matin au soir et une partie de la nuit, il poursuivait son travail, avec un myst��rieux acharnement, malgr�� les conseils affectueux de son fr��re et les supplications de C��leste Albaret, qui veillait sur lui et qui nous a fait le r��cit de ses derniers moments. « C��leste, r��p��tait-il d'une voix douce mais obstin��e, C��leste, la mort me poursuit. Je n'aurai pas le temps de finir […] Emp��chez qu'on entre chez moi ! » Il avait le pressentiment de sa fin prochaine. Il voulait ��carter m��decins, amis et famille ; mais il reçut deux fois Jacques Rivi��re, et lui donna des instructions au sujet de la publication d'’’Albertine disparue’’. Hallucin��, il voyait  autour de lui rôder « une grosse femme noire » : la Mort. Il envoya sa derni��re missive �� l'��diteur Gaston Gallimard : «Je m'arr��te adieu cher Gaston Marcel Proust Lettre suivra quand je pourrai.» Dernier scrupule d'artiste, il d��sira, la veille m��me de sa mort, retoucher le passage consacr�� �� la  mort de Bergotte, et dicta quelques lignes �� C��leste. Il confia son œuvre �� son fr��re et �� Jacques Rivi��re.

Le 18 novembre 1922, vers quatre heures de l'apr��s-midi, �� l’âge de cinquante et un ans, en pr��sence de son fr��re, il cessa de respirer. On a pu dire de lui qu'il est mort pour son art. La face ��maci��e de ce gisant, aux joues mang��es d’une barbe noire en broussaille, au teint de cire jaune, aux yeux brûl��s par la fi��vre le firent, parmi ses linges blancs, apparaître comme un sombre Christ espagnol. C'est ainsi que l'a peint Dunoyer de Segonzac, qui le vit sur son lit de mort. C��sar Helleu traça une pointe s��che et Man Ray prit une photographie. 

Il fut enterr�� au cimeti��re du P��re-Lachaise �� Paris.  

Nulle existence n'a plus que celle de Proust m��rit�� la d��finition qui veut qu’'une grande vie soit une pens��e de jeunesse accomplie dans l'âge mûr. Mais sa figure est complexe. À sa sant�� fragile se joignirent un infantilisme maladif, un caract��re perturb�� qui fit que son existence apparemment frivole et facile (au moins dans sa jeunesse vou��e aux l��g��ret��s de l’oisivet�� mondaine) fut en r��alit�� presque continûment douloureuse et tourment��e par ses travers, comme le snobisme, par ses secrets, comme l’homosexualit�� teint��e de voyeurisme et de sado-masochisme et dont il fut honteux.

Mais de cette impossibilit�� de s'��panouir pleinement dans la vie quotidienne, qui fut une blessure intense, insoupçonn��e, vitale et sans rem��de, il fit son arme secr��te, acqu��rant une perception d��licate, presque maladive mais aussi une vision pessimiste de l’amour. Et, grâce �� une pofonde m��ditation, il l’a transcend��e dans cet in��puisable champ d'analyses et d'exp��riences, dans cette gigantesque entreprise que fut ‘’À la recherche du temps perdu’’. Pour Dominique Fernandez, « les longues phrases de Proust [...], on pourrait les mettre au compte du besoin de brouiller les pistes, de cacher l'innommable. À l'��re de la permissivit��, Proust aurait-il ��t�� Proust? À visage d��couvert, eût-il jet��, comme la seiche, un nuage d'encre sur ses pas? »  
 

Andr�� Durand 

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